Revue de presse : Article dans Le Figaro du 27/02/2012 : Dix ans après, la garde alternée fait toujours débat
Instaurée le 4 mars 2002, elle rentre peu à peu dans les mœurs mais continue de semer la zizanie.
Une semaine chez papa et une semaine chez maman : la garde alternée s'installe doucement dans les mœurs mais continue de semer la zizanie. À la veille de ses dix ans d'existence, le système de la résidence alternée pour les enfants de parents séparés, instauré par la loi du 4 mars 2002, fait de plus en plus d'adeptes, notamment dans les milieux urbains et aisés.
Retenu par le juge aux affaires familiales dans un divorce sur sept selon les dernières statistiques du ministère de la Justice en 2009, ce mode de garde serait aujourd'hui choisi par près d'une famille séparée sur cinq, selon plusieurs avocats spécialisés en droit de la famille. Un chiffre qui grimpe dans les divorces par consentement mutuel et pourrait encore être amené à croître. Cet automne, le député UMP Richard Mallié a en effet déposé une proposition de loi cosignée par une petite centaine de députés pour que la solution de la garde alternée soit examinée prioritairement par les juges à défaut d'un accord. Il reviendrait au parent opposé à ce choix de justifier sa position.
Cette offensive des partisans de la résidence alternée inquiète des spécialistes de la petite enfance. Alors que les séparations de parents d'enfants très jeunes se multiplient, l'association Enfance et Partage souhaite mettre en garde contre les dégâts de la garde alternée chez les tout-petits. Un thème qui monte en puissance depuis plusieurs mois sur la plate-forme téléphonique "Allô Parents Bébé" gérée par l'association. Interrogations et inquiétudes au sujet de ce mode de garde reviennent dans environ un tiers des appels reçus par ce numéro d'écoute.
Continuité et sérénité
Agressivité, problème de sommeil, peur de tout, difficulté à supporter des interdits sont évoqués par les parents - en majorité des mères - de petits de moins de trois ans en garde alternée, rapporte une psychologue de cette ligne d'écoute. «Nous avons par exemple eu le cas d'une fillette d'un an et demi qui pleure de terreur et n'accepte de jouer qu'en présence de sa mère. Chez le père par contre, tout semble bien se passer. C'est souvent le cas pour les petits qui gardent leurs sentiments et ne les expriment que lorsqu'ils reviennent chez leur mère», rapporte cette psychologue.
Pour les moins de trois ans, la résidence alternée reste cependant l'exception. «En 2009, ce mode de garde concernait 5 à 6 % des enfants de moins d'un an dans le cadre des divorces pour faute ou des divorces acceptés et 12 % des enfants d'un an dans les divorces par consentement mutuel», rappelle Me Rodolphe Costantino, avocat spécialiste de la petite enfance qui travaille avec l'association. «La loi de mars 2002 consacre le droit des parents à maintenir des relations avec l'enfant et non l'inverse, dénonce ce dernier. Elle a été davantage été pensée dans le sens de la coparentalité que dans le sens de l'intérêt de l'enfant.»
Dans le sillage de Françoise Dolto, la psychanalyste Claude Boukobza insiste de son côté sur l'importance pour un enfant d'avoir une maison. «L'enfant a besoin de continuité et de sérénité. S'il perd ses repères spatio-temporels, il perd sa sécurité», estime-t-elle.
Sans condamner le système de résidence alternée pour les enfants un peu plus âgés, cette psychanalyste souhaiterait que la justice permette de revoir plus régulièrement les organisations de garde en fonction de l'évolution de l'enfant. «Souvent, les procédures sont trop lourdes et la mère n'a pas le courage de revenir en arrière même si son enfant vit mal la situation», avertit Claude Boukobza.
«Nous sommes en terra incognita»
Ces constats et ces remarques ne sont pas rejetés en bloc par les partisans d'un recours plus fréquent à la garde partagée. «L'essentiel pour l'enfant, c'est d'avoir ses deux parents. Mais, avant deux ans et demi, la garde partagée n'est pas forcément la bonne solution comme le précise l'exposé des motifs de mon texte», reconnaît le député Richard Mallié, auteur de la proposition de loi sur la garde partagée.
Peu surpris par la levée de boucliers qui a suivi son initiative, troisième tentative du genre, le parlementaire juge par ailleurs que ce texte «remet en cause des siècles de conservatisme sur ce sujet». «Le discours des années 1950 sur l'attachement maternel a la vie dure, relève également Gérard Révérend, de l'association Les papas = les mamans, qui milite pour une «coparentalité active». Aujourd'hui, nous sommes en terra incognita. Les rôles ont évolué, l'attachement au père est beaucoup plus fort. Je pense qu'il est possible d'envisager la garde alternée à partir des douze mois de l'enfant, mais cela ne devrait en aucun cas être automatique.»
«Tout est question d'atmosphère familiale, nuance Me Poivey-Leclercq, spécialiste du droit de la famille. Certains enfants s'adaptent plus facilement. D'autres ont du mal à s'investir dans la vie, semblent manquer de stabilité. Une chose est certaine, le rôle du père s'est transformé. Il est donc compréhensible de lui donner plus de place. Aujourd'hui, quand le couple éclate, beaucoup d'hommes estiment qu'ils sont “spoliés” de leurs enfants.»
Par Agnès Leclair
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