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Revue de presse : Article dans le JDD du 16/04/2011 : "On met en péril le principe d’égalité des chances"

Claude Lelièvre, historien de l’éducation, auteur des Politiques scolaires mises en examen (ESF Éditeur).

 

L’école est-elle victime d’une saignée ou d’un simple ajustement des effectifs?
Si, comme le ministère de l’Éducation nationale, on raisonne en termes de moyenne, si on met en avant le ratio enseignants-élèves, c’est une pente douce. Mais en réalité, après avoir rogné sur les postes qui ne se voyaient pas (remplaçants, formateurs, enseignants spécialisés dans l’aide aux élèves en difficulté), on touche cette année à l’encadrement des élèves. C’est pour cela que les fermetures de classes –et les protestations de parents– se multiplient. Dans un certain nombre d’endroits, on ne descend plus en pente douce mais on tombe d’une marche dans l’escalier. La droite est en train de revenir sur les efforts accomplis par la gauche dans les années 1990 pour revaloriser l’enseignement primaire.

 

Les mobilisations actuelles, sporadiques mais ponctuellement importantes, sont-elles inédites?
Il y a toujours eu des vagues de protestation en milieu rural. Les plus fortes ont eu lieu à la fin des années 1950-1960, quand les campagnes se sont vidées de leurs habitants. Les élus locaux, les parents et les enseignants se sont battus contre les regroupements d’écoles. Cette fois-ci, les mobilisations ne sont pas causées par des mouvements de population mais par une diminution des moyens qui était passée inaperçue au moment du vote du budget et dont on prend conscience à l’annonce des fermetures de classes. Quand un village perd un poste d’enseignant, son école est menacée et le spectre de la désertification, de la disparition du service public refait surface. Autre fait inédit: ces mobilisations touchent les quartiers sensibles des villes et des banlieues qui ont le sentiment d’être déshérités.

 

Le gouvernement accuse les syndicats enseignants de manipuler les parents…
Ils sont plutôt dans un sentiment de résignation après l’échec du mouvement contre la réforme des retraites et la difficulté à mobiliser à l’échelle nationale sur les suppressions de postes annoncées en décembre. Les parents d’élèves, eux, croient peu à une grande mobilisation nationale, mais plutôt à des actions locales musclées.

 

Ces actions peuvent-elles changer les choses?
Localement, oui : le rapport de force peut éviter la fermeture d’une classe… au détriment d’un autre territoire pour lequel personne ne se mobilise. Dans le passé, les recteurs faisaient valider leurs décisions concernant la carte scolaire par le ministère. Aujourd’hui, ils sont en première ligne et ne peuvent plus se mettre à l’abri des services nationaux. Autrement dit, ils sont soumis à la pression des élus locaux (députés, sénateurs, présidents de conseils généraux) et un recteur pourra être tenté de renoncer à fermer des classes si un élu de droite le lui demande. La gauche, minoritaire, a moins d’arguments.

 

Quels sont les effets de cette politique sur l’avenir des élèves?
L’heure n’est pas encore au démantèlement du système. Mais pour les parents et les enseignants des quartiers sensibles cette politique est un signal désespérant. Alors que toutes les études invitent la France à investir dans son enseignement primaire, on met en péril le principe de l’égalité des chances.

 

Anne-Laure Barret - leJDD.fr

Samedi 16 Avril 2011



18/04/2011
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