ALPE74140

La "Marmite des mots" invite les jeunes enfants à se distancier du conflit parental par la parole.

Des papiers et des crayons sont à disposition des enfants s'ils veulent dire quelque chose à la "Marmite des mots". Cet atelier est né en 2005 en Ille-et-Vilaine, créé par l'Union départementale des associations familiales (Udaf 35). Ce groupe de parole, composé de huit à dix jeunes enfants sachant lire et écrire et co-animé par deux "professeurs", permet d'échanger dans un espace ludique, créatif et confidentiel.

Toute la magie de la marmite réside dans son rituel. Les enfants commencent par faire connaissance et s'initient aux règles du groupe : le secret, l'écoute et le respect. Puis ils dessinent la température de leur état intérieur, ou "météo du coeur" (tempête, tonnerre, soleil...). Les animateurs peuvent ainsi cerner leur état d'esprit dès leur arrivée.

Ensuite, ils échangent sur leur vécu en quatre séances de deux heures autour d'un objet hautement symbolique : une vieille marmite en fonte bien rouillée. Placée au centre de l'espace, cette marmite reçoit les messages que les enfants lui livrent tout au long des séances. Ils formulent par des mots ce qu'ils n'osent pas dire oralement, même à leurs proches. Ils dressent un état des lieux de la séparation de leurs parents. Était-ce une surprise ? Leurs parents les ont-ils protégés du conflit ? Qui autour d'eux a été un soutien ? Etc.

"Ces questions permettent à l'enfant de mesurer ce qu'il a perdu en bien (par exemple, il n'entend plus ses parents crier) ou en mal (il ne voit plus son père ou sa mère)", explique Stéphane Le Creurer, médiateur familial et co-animateur de la Marmite des mots. Pendant ce temps, la cocotte magique mitonne...

Supporter la séparation

Très vite, les enfants comprennent que ce cadre leur appartient. Ils mesurent aussi qu'ils ne sont pas seuls face à leurs problèmes, même s'ils vivent des réalités différentes. "Ils peuvent choisir à qui en parler. Ils se conseillent mutuellement et se détachent peu à peu de la représentation qu'ils se font de leurs parents, note l'animateur. Certains expriment le besoin de caricaturer les défauts de leurs parents (maman passe sa vie à pleurer), d'autres disent qu'ils veulent garder secrètes certaines choses (par exemple, la dépression). Le but de cet atelier est de trouver comment permettre aux enfants de s'exprimer librement sur le conflit et trouver de nouvelles ressources", précise Stéphane Le Creurer.

La parole circule et des thématiques se font jour : l'éloignement du père, l'indisponibilité de la mère... Puis les enfants abordent la dernière étape : trouver les ressources à mobiliser pour supporter la séparation et les conflits de leurs parents. "Le travail, le sport, les copains, un animal confident ou les activités manuelles lui permettent de mobiliser des outils qui le protègent. 

Certains enfants construisent des cabanes pour s'y réfugier, raconte l'animateur. Dans le temps de cet atelier, ce sont eux qui mènent la danse. Nous ne sommes là que pour rythmer les séances."

Quatre séances et deux mois plus tard, les enfants ouvrent la marmite. Sous les yeux de leurs parents qui découvrent la production du groupe - dans laquelle s'est fondue celle, anonyme, de leur progéniture -, leurs questions et leurs problèmes se sont transformés en solutions pour aller mieux. La magie a opéré.

Par Laurence Neuer