Revue de presse : Article dans Le Point du 29/03/2011 : "Un enfant harcelé a quatre fois plus de risques d'être suicidaire"
C'est un amer constat que dresse l'étude menée par l'Observatoire international de la violence à l'école auprès de 13 000 écoliers : dans les écoles primaires, un élève sur dix reconnaît être régulièrement victime de harcèlement. Publiée mardi, l'étude fait écho à une enquête menée par le professeur de philosophie Jean-Pierre Bellon et Bertrand Gardette, qui mettait en lumière le même phénomène chez les collégiens. À l'initiative de la création de l'Association pour la prévention des phénomènes de harcèlement entre élèves (APHEE), Jean-Pierre Bellon, qui s'intéresse à ces questions depuis le début des années 2000, répond aux questions du Point.fr.
Le Point.fr : Qu'est-ce que le harcèlement ?
Jean-Pierre Bellon : Le harcèlement, c'est la répétition de petites tracasseries au quotidien. S'il n'y en avait qu'une seule, ce ne serait pas grave. C'est justement parce qu'elles sont répétées de façon constante et sur une longue durée qu'elles le deviennent. Son principal problème, c'est qu'il est très souple, qu'il s'adapte à toutes les situations. C'est une série d'humiliations - un surnom, une moquerie, des jets d'objets - qui peuvent aller jusqu'à de la violence brutale, mais il y a aussi une grande part de violence dite verbale.
Par ailleurs, on voit aussi se développer le harcèlement numérique. Les réseaux sociaux sont en train de donner une caisse de résonance au harcèlement tout à fait extraordinaire. Les rumeurs sont répandues avec une violence inouïe. Jusqu'à présent, la victime pouvait estimer qu'elle était tranquille jusqu'au lendemain quand elle rentrait chez elle, mais maintenant c'est non-stop, ça ne s'arrête jamais.
Y a-t-il un profil type du harceleur ?
Ce sont des gens qui ont en général un certain charisme, qui savent faire rire. Des élèves qui sont suffisamment malins pour repérer les petits travers des uns, pour après s'en moquer avec les autres. Suffisamment malins également pour que leurs brimades soient invisibles aux yeux des professeurs, et très visibles aux yeux de leurs camarades. Mais le vrai problème, ce sont les enfants qui se construisent sur la longue durée dans des profils de harceleur. Quand ils cultivent une sorte d'ivresse de la toute-puissance... S'ils se construisent dans ce type de personnalité, ils deviendront des harceleurs au travail ou dans leur famille.
A contrario, quel serait le profil de la victime ?
Les victimes ont souvent une petite différence vis-à-vis de leurs camarades qui n'est pas toujours perceptible aux yeux des adultes, ou une difficulté à s'intégrer dans le groupe. Les victimes de harcèlement n'ont pas d'amis. Quand on isole la population de ceux qui n'ont pas d'amis ou restent toujours seuls, le harcèlement est multiplié par trois. C'est donc à ces élèves, particulièrement fragiles, qu'il faut faire attention.
Quels sont les risques à long terme pour les victimes de harcèlement ?
Il y a beaucoup d'épisodes dépressifs qui suivent des périodes de harcèlement. Le harcèlement détruit l'image de soi. Combien de temps met-on après pour se reconstruire. Les victimes se disent que c'est de leur faute, n'en parlent pas... Le chercheur norvégien Dan Olweus a établi qu'un enfant qui est harcelé présente quatre fois plus de risques d'avoir une tendance suicidaire qu'un autre.
Quelles sont les mesures qui ont été prises à l'étranger pour lutter contre le harcèlement ?
En Grande-Bretagne par exemple, les écoles sont obligées de décliner ce qu'on appelle une "anti-bullying policy" qui est une espèce de mise en oeuvre de ce que l'école va faire pour prévenir le harcèlement. On y travaille également sur des petits jeux de rôles où l'on fait jouer aux élèves alternativement le rôle de la victime et celui de l'agresseur.
Que pourrait-on faire en France pour lutter contre le harcèlement en milieu scolaire ?
En débattre comme on le fait enfin aujourd'hui est déjà quelque chose d'énorme. Grâce à ça, les victimes vont enfin parler et être reconnues. Ensuite il faut également former le personnel. Faire en sorte que les professionnels soient sensibilisés à la question du harcèlement. Les enseignants doivent aussi s'investir dans la formation des délégués de classe, car ceux qui voient le harcèlement sont les élèves. Il est donc très important de former les délégués de classe et de sensibiliser les élèves à cette problématique. Ce sont toutes ces petites choses mises bout à bout qui feront que l'on pourra prévenir le harcèlement.
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