Revue de presse : Article dans Les Echos du 04/09/2012 : Sortir de l'école du chiffre
L'école de la République a décidément la religion du chiffre. Cette rentrée 2012 en donne une nouvelle démonstration. En attendant rien de moins qu'une « refondation » de notre système éducatif, 12 millions d'élèves et leurs parents sont invités, en ce jour de retour en classe, à lire les prémices d'un changement radical dans le renfort de 1.280 enseignants supplémentaires, dont un millier dans le primaire, où le flux d'écoliers recommence à augmenter. Bien sûr, cela permet ici d'alléger un effectif, là de rouvrir une classe. Et voilà tranquillisé le parent qui sommeille en chaque contribuable. Ne lui rabâche-t-on pas que, dans la compétition mondiale des économies de la connaissance, l'éducation, à l'égale de la santé, a un coût mais pas de prix ? Et qu'elle vaut bien quelques investissements en hommes et femmes de savoir ?
Seulement, quoiqu'elle ne résume pas l'ambition éducative du gouvernement, cette politique du chiffre fait dangereu-sement prévaloir la quantité sur la qualité. Ce n'est pas faire injure à ces embauchés de la dernière heure, repêchés par nécessité politique après avoir échoué au concours, que de remarquer que leur niveau de formation n'était sans doute à la hauteur de leur admirable vocation. Alors que l'Education nationale ne trouve déjà plus assez de candidats de qualité, augmenter le nombre de professeurs sans dégrader encore les performances du système éducatif est un pari sur l'avenir qui n'a pas fini d'inquiéter. D'autant que, à partir de 2013, ce ne seront plus 1.000 mais 30.000 enseignants qu'il faudra recruter afin, compte tenu des départs à la retraite, de satisfaire la promesse des 10.000 postes supplémentaires annuels sur la durée du quinquennat.
Cette obsession de l'arithmétique enseignante, qui fait du nombre d'élèves assis en classe le premier indicateur de réussite, relève d'une vision curieusement passéiste de l'école. Un établissement dans chaque village, une classe par niveau, un maître dans chaque classe : ce modèle, jamais totalement dépassé, de la III e République, doit enfin être bousculé par les réalités du XXI e siècle. Les technologies numériques invitent à développer l'apprentissage à distance, dans lequel se perdent les unités classiques de lieu et de temps. Les transports collectifs facilitent les mobilités géographiques. Et nombre d'expériences étrangères suggèrent de laisser plus d'autonomie aux établissements pour recruter et rémunérer leurs enseignants. Nul doute que leur choix serait d'en embaucher moins et de les payer mieux.
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