Revue de presse : Article dans Les Echos du 05/09/2011 : Insoutenables rythmes scolaires
Dure rentrée » n'est pas qu'une expression convenue. C'est peu dire pour des élèves qui, après neuf à douze semaines de vacances, retrouvent, aujourd'hui, des emplois du temps accablants. Entre journées à trop en faire et journées à ne rien faire, notre Ecole (au sens large) vit à un rythme dont l'incohérence semble, à chaque rentrée, plus insoutenable. S'il est bien un domaine où notre système scolaire excelle, c'est celui-ci : de tous les pays développés, la France possède la particularité d'avoir, primaire et secondaire compris, à la fois le plus grand nombre annuel d'heures de cours et les plus longues vacances. Fatalement, l'élève français a la journée la plus lourde. Et le raccourcissement de la semaine à quatre jours n'a rien arrangé. L'école du XXIe siècle vit toujours au rythme de celle du XIXe, lorsqu'il fallait libérer les enfants pour aider aux moissons ou aux récoltes, lorsqu'il fallait leur enseigner le catéchisme le mercredi et les occuper le samedi, jour de travail. A l'époque, la société dictait son rythme à l'école. Aujourd'hui, où c'est le contraire, elle doit se plier à des temps scolaires non seulement anachroniques mais contre-productifs.
Dans la performance d'un système éducatif, l'organisation du temps, en effet, est loin d'être secondaire. Elle est primordiale. Comment ne pas penser que si la France est à la traîne dans des classements internationaux mesurant la capacité d'un collégien à mobiliser ses connaissances, c'est, en partie, parce qu'on exige de celui-ci l'impossible : rester attentif six à huit heures par jour. Comme l'observe le ministre de l'Education, Luc Chatel, dans un livre de débats avec Jean-Pierre Chevènement, « la quantité pour la quantité ne sert à rien ». Cette vieille logique de la journée la plus dense est poussée jusqu'à l'absurde lorsqu'elle contraint, par exemple, à l'entrée en seconde, à oublier le latin pour explorer l'économie, à préférer la modernité à la civilisation. Changer le temps de l'école, c'est déjà changer l'école. L'intérêt de chaque élève, qui rejoint l'intérêt collectif, impose de changer au plus vite les rythmes de l'enseignement, en cherchant un meilleur équilibre, dans la journée, dans la semaine et dans l'année.
Avant 2012, la refonte des rythmes scolaires n'est pas loin d'être un sujet de consensus politique. Aussi, la différence se fera-t-elle sur les moyens. De ce point de vue, face à une gauche électoralement liée au monde enseignant, la droite serait bien inspirée de ne pas conditionner cette réforme à la redéfinition des statuts et missions des professeurs. Elle risque fort, sinon, de rester un serpent de mer.
PAR JEAN-FRANCIS PÉCRESSE
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