Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 01/04/2014 : L’instruction sans école
40 000 jeunes Français accomplissent leurs études à la maison. Ce chiffre est en constante augmentation. L’instruction parentale (l’école à la maison) est légale car la règlementation rend l’instruction obligatoire, mais pas la fréquentation d’un établissement. (1) (2)
Le 18 décembre 2013 sept sénateurs et sénatrices (3) ont déposé une proposition de loi visant à limiter la possibilité d'instruction obligatoire donnée par la famille à domicile aux seuls cas d'incapacité. L’exposé des motifs est très tranché. L'un des buts de la scolarisation de l'enfant étant sa socialisation, une éducation avec une dimension collective s’impose pour qu’il découvre la diversité des conditions et des cultures de se pairs. La scolarisation à domicile ne peut donc être qu’exceptionnelle, liée à l'état de santé ou d’incapacité de l'enfant. Elle ne peut être le prétexte d'une désocialisation volontaire, destinée à soumettre l'enfant, à un conditionnement psychique, idéologique ou religieux.
Certains parents estiment que leurs enfants risquent une détérioration identitaire en découvrant à l’école des différences culturelles et comportementales. Ils optent donc pour un confinement en famille. Dans une perspective légèrement différente, quelques ressortissants de couches favorisées organisent les études des à la maison pour créer un entre soi élitiste visant à éviter à leur progéniture l’enseignement de tous, les programmes de tout le monde, les pédagogies permissives, les aléas de l’orientation ainsi que l’hétérogénéité sociale. Néanmoins, parmi les partisans de l’école domiciliaire on trouve parfois des parents engagés qui veulent jeter les bases d’une société meilleure en protégeant leurs enfants d’un système éducatif conventionnel sont les modes opératoires tournent le dos à la créativité des élèves et à leur épanouissement tout en développant une compétitivité et une sélection outrancières.
Les tenants de l’école à domicile s’insurgent contre la proposition des sept sénateurs (4). Le but véritable de la proposition de loi serait de s’assurer que tous les enfants soient formatés de la même manière, selon les vues de l’État (5) et violerait l’article 26-3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui précise que les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants.
Les domiciliaires honnissent la politique de Vincent Peillon qui veut permettre à chaque élève de s'émanciper et d’être capable de s’arracher à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix (7)… Ils déplorent que l’État cherchent à réduire l’influence des parents… et les présente comme une menace en considérant que leur influence est malfaisante. Le point Godwin (8) est obtenu avec l’argument suivant : en Allemagne, c’est une loi nationale socialiste de 1938 qui a interdit l’éducation à la maison pour qu’aucun enfant n’échappe à l’embrigadement nazi.
L’école n’est d’aucune utilité sauf pour renier ce que nos ancêtres ont édifié…
Garder les enfants à la maison pour leur donner une formation meilleure qu’à l’école est le credo de parents très différents. Néanmoins, leur point commun est de confondre l’exercice d’une responsabilité dans l’éducation de leurs enfants avec un excès de possessivité dans la transmission. Les sociétés qui perpétuent des traditions plus archaïques que la France en sont parfois la démonstration.
Le Bénin a environ huit millions d’habitants dont 35% vivent avec moins d’un Euro par personne et par jour. Selon l’UNICEF (9) la pénurie de locaux scolaires, de mobiliers, de matériels et d’enseignants est constante. La moitié des maîtres n’est pas formée. La norme officielle est de cinquante élèves par classe mais dans certains cas il ya quatre vingt élèves par classe. En moyenne, cinq élèves se partagent un pupitre et un banc prévus pour deux.
Dans ce contexte Ignace Fagnon a procédé à une recherche sur la perception qu’ont les parents de l’école en zone rurale (10). Il a écouté méthodiquement quatorze familles de pêcheurs, éleveurs, cultivateurs, artisans, vendeurs… En général, elles considèrent que le système éducatif béninois impose des finalités, une organisation et des contenus amplement inspirés de l'époque coloniale du Dahomey (Bénin) qui fut français de 1892 à 1960. Un père précise : les Blancs (les Yovo) sont venus comme explorateur, après comme missionnaire avec des églises ensuite comme colonisateur, en concurrent, enfin en investisseur ; et s’ils donnent de l’argent pour construire des écoles et assurer la gratuité de l’enseignement c’est pour maintenir leur domination. Lorsqu’Ignace Fagnon demande aux parents : Qu’est-ce que l’école ? Les réponses sont sans équivoque. Les enfants y sont manipulés et deviennent irrespectueux des traditions, ils sont pervertis et apprennent les mauvaises pratiques de l’occident. Aucune morale Africaine n’y est enseignée... Les matières transmises peuvent avoir des effets négatifs sur les enfants. L’école n’est d’aucune utilité sauf pour renier ce que nos ancêtres ont édifié… Ce que l’école enseigne aux filles en fait des rebelles.
La déscolarisation à la discrétion des parents n’a pas toujours des motifs ancrés dans des considérations idéologiques ou politiques. Il s’agit parfois d’intérêts très factuels : Mes enfants ne vont pas à l’école parce que j’ai besoin d’eux à la maison et au champ au moment des récoltes et des semailles… si les enfants ne m’aidaient pas, personne d’autre ne m’aiderait.
Quand Ignace Fagon cherchent à savoir comment les enfants sont formés quand ils ne vont pas à l’école, les certitudes n’ont aucun mal à s’exprimer. Les enfants profitent de l’expérience des parents, ils gagnent du temps en les regardant travailler puis en les imitant ; ils suivront les pas de leurs parents : tel père tel fils, telle mère telle fille.
Les raisons du choix de l'éducation à domicile
Christine Brabant, chercheuse en sciences de l’éducation à l’université de Sherbrooke a étudié les raisons du choix de l'éducation à domicile par les parents québécois (11). Nous retiendrons un inventaire d’une trentaine d’items… :
Liberté et flexibilité pour la famille.
Désir de l’enfant de ne pas aller à l’école.
Plaisir de découvrir ensemble.
Parents mieux placés que les enseignants pour s'engager dans l’éducation de l’enfant.
Enfant précoce.
Efficacité de l’enseignement individuel pour l'apprentissage.
Refus de la mère d’être séparée de l’enfant.
Désir de transmettre des valeurs et un mode de vie conformes à la religion des parents.
Souhait de contrôler sur ce qu’apprend l’enfant.
Protection de l’enfant des influences extérieures non désirées.
Stimulations et enrichissement de l’enfant plus dense à la maison qu’à l'école.
Choix de ne pas laisser à l'État la responsabilité de l’éducation.
Protection de l’enfant de la compétition et de l'évaluation propres à l'école.
Mise à l’écart des parents par l’école.
Ignorance par l’école du besoin de développement spirituel de l'enfant.
Nivellement par le bas en éducation, avec des programmes allégés.
Refus de la pression des autres enfants.
Conformisme de l’école
Apprentissages à l’école décrochés de la réalité.
Nombre d'enfants par adulte pas approprié à l’école.
Trop de règles et de discipline à l'école.
Environnement trop violent à l’école.
Motivation à apprendre absente de l’école.
Pas de préparation à la vraie société à l’'école.
Programme scolaire ne correspondant pas aux intérêts et aux capacités de l’enfant.
Enfant pas prêt psychologiquement prêt à quitter le cadre familial.
Valeurs et compétences des enseignants non communiquées.
Rythme et durée des études inadaptés.
Fréquentation scolaire est incompatible avec les activités professionnelles des parents.
Emploi du temps incompatible avec les activités de l’enfant (sport, musique).
École souhaitée non accessible (réglementation, distance, coût).
Gilbert Longhi
Notes :
1. http://www.cahiers-pedagogiques.com/L-instruction-a-domicile-la-famille-meilleure-que-l-ecole
2. Dictionnaire de l'éducation Vuibert, Paris (février 2009) Dictionnaire alphabétique des termes les plus utilisés dans les milieux de l'enseignement, notamment dans l'administration (ministère, rectorats, académies) et dans les établissements (école, collèges, lycée).
3. Sénat, proposition de loi n° 245 du 18 décembre 2013 MM. Hugues PORTELLI (UMP), Christian CAMBON (UMP), Jacques GAUTIER (Divers Droite), Mmes Esther SITTLER (UMP), Hélène MASSON-MARET (UMP), M. Michel HOUEL (UMP), Mme Colette MÉLOT (UMP) et M. Louis PINTON (UMP).
4. Auteur anonyme de BOULEVARD VOLTAIRE 19, avenue du Général Leclerc 75014 Paris
5. sur le site "français de souche"
7. Auteur anonyme de BOULEVARD VOLTAIRE 19, avenue du Général Leclerc 75014 Paris
8. La théorie de Mike Godwin se fonde sur le principe suivant : Plus une discussion s'étend, plus il est probable d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler. C'est en 1990 qu'il établit cette loi qui sera ensuite reprise largement sur Internet et les forums. Elle sortira même du cadre du virtuel puisque cette loi s’applique à toute conversation ou débat abandonnant son sujet initial pour faire référence à la Shoah, Hilter ou le nazisme. http://www.commentcamarche.net/faq/36962-loi-de-godwin-point-godwin.
10. Département de l’Ouémé communes de Dangbo et d’Akpro-Missérété. Étude menée dans le cadre d’un cursus à la Faculté d’éducation de Paris Institut supérieur de pédagogie 3 rue de l’Abbaye Paris 6ème.
11. Mémoire présenté à la Faculté d'éducation en vue de l'obtention du grade de Maître ès arts (M.A.) Maîtrise en sciences de l'éducation. Juin 2004 Christine Brabant. http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&frm=1&source=web&cd=3&ved=0CDoQFjAC&url=http%3A%2F%2Fusers.skynet.be%2FIEF.be%2Farticles%2FQuebecMemBrabantEdDom.pdf&ei=lmz2UuPnGaec0AW4qICACA&usg=AFQjCNE1lUXTe_OQtsBQjK00N_P0G4bR0g&sig2=lVj9mfGbgRoHD52-pQrT_w&bvm=bv.60983673,d.d2k
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