Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 05/03/2012 : Primaire : Chatel face aux chiffres
Dans un communiqué, Luc Chatelpourfend le Se-Unsa qui affirme que près de 1 500 classes fermeront à la rentrée dans les écoles primaires du fait des 5 700 suppressions de postes décidées dans le primaire. Que nous disent réellement les remontées du terrain ?
En juin 2011, Nicolas Sarkozy avait promis de "sanctuariser" l'école primaire c'est-à-dire de maintenir le nombre de classes. "Cet engagement sera tenu et cela contrairement à ce que certains, pour des raisons avant tout politiciennes, semblent affirmer en utilisant des enquêtes étranges sans aucune traçabilité ou auditabilité", écrit Luc Chatel dans son communiqué du 29 février. Les mots sont particulièrement durs, à la hauteur, peut-être, du problème soulevé par le Se-Unsa.
Les chiffres.
A la promesse présidentielle, Christian Chevalier oppose les chiffres. Pour 91 départements qui ont déjà réuni leur instance administrative (CDEN) et où l'inspection académique a annoncé ses décisions, le syndicat trouve 3 494 classes fermées et 1 911 ouvertes. Le solde n'est donc pas nul. Ce sont 1 582 classes qui devraient disparaître à la rentrée.
Pas partout il est vrai.
Si dans le Nord Pas-de-Calais (une centaine d'emplois en moins dans chacun des deux départements), en Picardie (63 fermetures et 8 ouvertures dans la seule Somme) ou en Limousin (15 fermetures dans la petite Creuse) les suppressions de postes sont massives, dans les Hauts-de-Seine, on enregistre 73 ouvertures pour 31 fermetures... De son côté, le 1er mars, s'appuyant cette fois sur 95 départements, le Snuipp Fsu évalue les fermetures à 1407 classes.
Une argumentation ministérielle surprenante.
Pris de court et coincé par la promesse élyséenne, Luc Chatel se défend avec de curieux arguments. L'électeur n'aurait dû rien voir, explique le ministre. "Les 5 700 suppressions de postes concerneront dans le primaire des postes qui ne sont pas devant les élèves", explique-t-il. Et il détaille ces personnels invisibles et sans doute inutiles. "Cela est possible car nous recrutons aujourd'hui des professeurs des écoles capables d'enseigner les langues vivantes à leurs élèves. Nous avons donc pu redimensionner le volume des effectifs d'assistants de langue. Car nous avons mis en œuvre l'aide individualisée dans chaque classe. La difficulté est prise en charge en amont par le professeur, directement dans la classe. Les RASED ont donc été réorganisés et concentrés sur la grande difficulté scolaire. Car, contrairement aux mensonges qu'on entend trop souvent, il y aura, selon les dernières prévisions, autant d'élèves dans le premier degré public qu'à la rentrée 2011".
Accordons au ministre ce dernier argument. Qu'en est-il des autres ?
L'Association des professeurs de langues vivantes s'est émue du premier argument. En se basant sur le très récent rapport Halimi, l'APLV peut affirmer que "le manque de compétences en langues de la plupart des professeurs des écoles ne permet pas d'assurer un enseignement de qualité pour tous".
En effet la très grande majorité des professeurs des écoles n'a pas passé le certificat de langues qui n'est demandé que depuis 2005 aux futurs professeurs des écoles. Mais l'APLV remarque, à la suite du rapport Halimi, que "les jeunes diplômés recrutés comme professeurs stagiaires, même lorsqu'ils ont pu valider leurs compétences en langues, n'ont reçu aucune formation pour les enseigner".
Le rapport soulignait aussi l'intérêt d'avoir des locuteurs natifs pour sensibiliser la mémoire auditive des jeunes enfants. En réalité les professeurs des écoles ne remplacent pas les intervenants en langues étrangères.
L'aide individualisée peut-elle remplacer les enseignants des Rased ?
Les Rased sont spécialisés dans les difficultés éducatives graves : soit ils travaillent sur la pédagogie, soit ils interviennent en rééducation sur le relationnel. Ces types d'aide dépassent largement ce qu'il est possible de faire avec un enseignant non spécialisé.
De surcroit, l'aide individualisée est généralement compartimentée en 4 demi-heures prises sur le temps du déjeuner au coeur des longues journées imposées aux enfants depuis X Darcos. Or ce sont près de 2 000 postes de Rased qui sont supprimés à la rentrée (1 949 selon le Snuipp).
Dans certains départements il ne restera plus aucun maître G, ces enseignants spécialisés qui font de la rééducationrelationnelle (par exemple dans le Finistère ou la Manche).
Les autres postes "invisibles" supprimés à la rentrée ne passeront pas plus inaperçus. Les 846 remplaçants manqueront dès la première épidémie de grippe. Les 460 enseignants en soutien dans des écoles d'éducation prioritaire manqueront aux élèves défavorisés.
Un désintérêt pour le primaire.
Luc Chatel paye évidemment le choix de gestion qu'il a tant vanté : s'en remettre aux recteurs pour faire passer ses mesures de restriction, les inviter à trouver eux-mêmes les solutions. S'ils ont obéi aux consignes de frapper là où l'électeur ne regarde pas, ils n'ont pas réussi à éviter toutes les fermetures de classes.
Mais il paye aussi le curieux désintérêt de N Sarkozy pour le primaire. Dans son discours de Montpellier, le candidat UMP n'a pas du tout évoqué le primaire, oubliant même ce qui devait être une véritable annonce : la promesse de revenir sur la règle du 1 sur 2 au primaire pour la rentrée 2013.
Débrouillez-vous !
Finalement tout semble remis en question. Le 1er mars, Sébastien Sihr a demandé au ministre "de procéder à la révision des mesures de carte scolaire".
Dans Le Journal du Dimanche du 3 mars, Luc Chatel semble accepter. "La carte scolaire n’est pas à ce jour figée. Je vous garantis qu’à la rentrée 2012 il y aura le même nombre de classes qu’à la rentrée 2011, n’en déplaise aux oiseaux de mauvais augure". C'est reconnaître que la carte scolaire n'est pas viable.
Incapable de faire face aux besoins éducatifs actuels, le ministre laisse au nouveau ministre de l'éducation nationale issu des élections la charge de se débrouiller...
François Jarraud
Liens :
Chatel dans le Journal du Dimanche
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