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Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 06/06/2013 : La loi de refondation adoptée par la seule gauche

Il n'y a pas de consensus sur les questions d'éducation. La loi d'orientation et de programmation sur la refondation de l'Ecole n'a été adoptée le 5 juin que par les partis de gauche. Peu modifiée par le Parlement, la loi fixe un cadre et des structures. Mais la véritable refondation reste à faire à travers les textes d'application.

 

Après avoir terminé l'analyse du texte à 2h30 du matin, le 5 juin l'Assemblée nationale a adopté en 2ème lecture la loi d'orientation et de programmation sur la refondation de l'Ecole par 304 voix contre 203. Ont voté en faveur de la loi le groupe socialiste, les écologistes, les radicaux et les communistes. Le groupe UMP, les centristes de l'UDI et le FN ont voté contre la loi. Ainsi l'éducation reste un sujet d'affrontement politique. C'est ce qu'ont montré aussi les derniers débats de l'Assemblée où l'opposition a par exemple agité le fantasme de l'enseignement de la théorie du genre.

 

Pas de consensus

 

Dans la majorité gouvernementale, les écologistes, par la voix de B Pompili ont salué "un premier pas, mais un grand pas". "L’école s’était égarée : elle avait rompu avec sa fonction républicaine et n’était plus l’institution assurant notre cohésion sociale", a ajouté Mme Pompili. "Ce texte lui permet de renouer avec sa mission et se rapproche ainsi de l’idéal qu’elle porte. C’est déjà beaucoup !" Mme Buffet, pour le groupe communiste, a estimé qu"il "était temps de rompre avec les réductions de moyens pour libérer tous les potentiels des enfants vivant en France... Depuis la première lecture, le projet qui nous est soumis a évolué positivement concernant notamment le rapport entre l’État et les régions, en ce qu’il permet de conserver le caractère national de notre éducation et n’ouvre pas la porte à des inégalités supplémentaires entre territoires en matière de formation professionnelle."

 

Pour l'UMP, M. Reiss voit dans la création de 60 000 postes "une promesse démagogique". "Est-il bien raisonnable d’augmenter durablement les dépenses alors que le Gouvernement augmente les impôts à tout va et que certaines familles vont perdre la réduction d’impôt liée aux frais de scolarité ?" s'est exclamé M. Reiss. Sa critique s'est appuyée sur la rapport de la Cour des comptes. "Ce rapport étaye magistralement les arguments que les groupes UMP et UDI ont défendus inlassablement depuis la première lecture : en effet, il reconnaît qu’il convient de redéfinir le métier d’enseignant en adaptant les obligations réglementaires de service et en valorisant les ressources humaines, tout en assurant une gestion de proximité... Comment peut-on vouloir refonder l’école sans reconsidérer la situation des pilotes que sont les directeurs d’école ? Ils sont les grands oubliés de cette réforme ! Leurs missions ne cessent de croître et de se complexifier, et ils seront en première ligne concernant la mise en place des nouveaux rythmes scolaires – réforme déstabilisante pour les élus locaux et les familles, qui ne concernera finalement que 20 % des élèves à la rentrée prochaine."

 

Vincent Peillon a déploré que "la droite ne soit pas à ce rendez-vous une fois encore, auprès de la jeunesse et pour la défense des valeurs qui doivent nous réunir". Avant d'ajouter : " Mais c’est une grande joie d’avoir pu, grâce au dialogue permanent, mais aussi en écoutant, par l’intermédiaire de la représentation nationale, à l’Assemblée nationale et au Sénat, ceux qui devaient être écoutés, rassembler les socialistes et, plus largement, la gauche, sur ce sujet".

 

Une victoire totale pour une grande loi

 

La victoire politique du ministre est donc totale. Il a su mener à bien le passage d'un texte long et ambitieux en renforçant la majorité alors que le risque de division était réelle. La loi crée un cadre puissant pour refonder l'Ecole. Elle donne des moyens uniques à Vincent Peillon avec 60 000 postes alors que l'Etat est contraint de réduire ses moyens.

 

Elle fixe les structures d'une réorganisation de l'Ecole. Elle crée des conseils pour les programmes et pour l'évaluation de l'Ecole. Elle organise les rapports avec les collectivités territoriales avec un fonds pour accompagner la mise en place des nouveaux rythmes.

 

La loi restaure la formation des enseignants avec les écoles supérieures du professorat et de l'éducation qui ouvriront dès la rentrée scolaire 2013 (27 000 postes). Elle donne la priorité au premier degré en destinant 14 000 postes au développement de l'accueil des enfants de moins de trois ans et au « plus de maîtres que de classes ». 7 000 postes iront dans le second degré prioritairement au collège.

 

La loi instaure un service public du numérique éducatif dont on attend un renouvellement des pratiques pédagogiques. Elle prétend régler la question de l'entretien du matériel et de l'exception pédagogique pour l'utilisation d'oeuvres en classe. Elle confirme le socle commun. Elle instaure un parcours d'éducation artistique et culturelle. Elle crée un enseignement moral et civique. Elle se fixe comme objectifs la fin des devoirs à la maison au primaire, la baisse des redoublements, de nouvelles évaluations.

 

Enfin elle fixe de nouvelles valeurs pour l'Ecole. Au Code de l'éducation, elle ajoute l'objectif de "lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative". Le système éducatif "reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement", ajoute la loi. "Le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves". On a là l'amorce d'une réforme pédagogique qui reste évidemment à construire. Sur le terrain des valeurs la loi flatte aussi des élus dont on ne sait s'ils sont tricolores ou laïques en imposant un pavoisement qui concernera surtout les écoles catholiques. "La devise de la République, le drapeau tricolore et le drapeau européen sont apposés sur la façade des écoles et des établissements d’enseignement du second degré publics et privés sous contrat. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 est affichée de manière visible dans les locaux des mêmes écoles et établissements".

 

Mais tout reste à faire

 

Mais la loi a fait de nombreuses impasses sur de sujets importants. Même si elle affirme que "l’école se construit avec la participation des parents", force est de constater que ces derniers n'ont pas obtenu de nouveaux droits. La commission de l'Assemblée a échoué à faire passer le dernier mot aux parents en matière d'orientation. Certes la loi reconnait qu'il "est prévu, dans tous les établissements d’enseignement, un espace à l’usage des parents d’élèves et de leurs délégués". Mais la formulation est floue et nullement contraignante pour les collectivités territoriales en charge des locaux.

 

C'est que Vincent Peillon n'a réussi à faire passer la loi qu'en reportant les motifs de conflit à plus tard. Car tout reste à faire. Ecoutons dans la majorité B. Pompili à propos de la territorialisation. "L’école telle que nous la voulons, plus inclusive et plus adaptée aux réalités locales, doit prendre en compte les spécificités territoriales. Ces PEDT garantissent des parcours scolaires adaptés, des temps éducatifs structurés et une meilleure articulation des activités scolaires, périscolaires et extrascolaires". La majorité des maires ne s'est pas empressée de saisir cette possibilité et les élections municipales de 2014 risquent de porter un coup fatal aux ambitions de la loi sur ce terrain. Le gouvernement a déjà reculé lors du débat parlementaire sur le service régional d'orientation qui a été retiré de la loi.

 

Le métier d’enseignant est un autre point futur d'achoppement. "Le métier doit également être repensé pour être adapté à l’école du XXIe siècle", dit B Pompili. "Il doit être revalorisé pour attirer des jeunes motivés et compétents. Il faudra d’ailleurs continuer à travailler sur la question de la formation continue, du concours et du prérecrutement". Or tous ces points font débat dans la majorité, l'opposition, les syndicats. Encore devrait-on parler "des métiers" puisque la question des cadres, des directeurs d'école reste ouverte.

 

Yves Durand, rapporteur de la loi à l'Assemble aime à dire que la loi est "dynamique", c'est à dire qu'elle est plus génitrice de changements que porteuse de modifications immédiates. Il reste à voir ce que  la situation politique, économique, budgétaire et sociale feront de cette loi. La refondation de l'Ecole reste à construire.

 

François Jarraud

 

Le dossier législatif avec le texte de la loi



25/06/2013
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