Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 06/12/2012 : Les nouveaux enseignants étouffés par le stress
Le burnout est-il la nouvelle maladie professionnelle des enseignants ? Une nouvelle étude menée par une équipe de l’Université de Bordeaux 2 (coordonnée par Laurence Bergugnat et Nicole Rascle), soutenue par la Mgen, la Casden, la Maïf, le Snes et le Snuipp montre qu'un nouvel enseignant sur dix est en état de burnout dès sa première année d'enseignement. En cause le climat scolaire mais surtout la représentation du métier.
Un épuisement croissant des enseignants débutants
Cette étude a été menée de 2008 à 2011 auprès de 744 enseignants stagiaires. La moitié des enquêtés sont des professeurs des écoles, l'autre moitié des professeurs des lycées et collèges, les PLP.étant peu nombreux. Selon l'étude, la moitié des enseignants (47%) souffre d'épuisement émotionnel, 56% de dépersonnalisation (forte détérioration de la relation aux élèves), la seconde caractéristique du burnout. Mais une moitié aussi estime s'accomplir professionnellement, un troisième point évalué pour le burnout. Pire encore, "l’évolution de la dépersonnalisation et de l’épuisement émotionnel suivent une courbe ascendante constante linéaire dans le temps, quels que soient les sujets". Au final, seulement 10 à 15% des enseignants ne souffrent pas de leur entrée dans l'enseignement.
Quels effets sur les élèves ?
Curieusement les enseignants en épuisement professionnel amènent leurs élèves à être scolairement plus compétents. Ils s'investissent davantage et ont sans doute davantage d'exigences. Mais ces enseignants qui dépersonnalisent la relation ont plus de mal à établir une relation positive avec les garçons. Ils transmettent aussi leur pessimisme aux élèves et les sous-évaluent.
Quels facteurs ?
Les chercheurs ont essayé d'établir les facteurs qui entrainent ce burnout. Ils soulignent l'importance du climat scolaire sur la dépersonnalisation, un mauvais climat pouvant l'entraîner. Mais le facteur premier reste la représentation que l'enseignant se fait de son métier. "Plus l’enseignant se représente le métier à caractère social et moins il le considère comme difficile, plus il a un accomplissement personnel élevé. A l’inverse, plus il l’appréhende comme pénible et non relationnel, plus il a des risques de connaître un épuisement émotionnel".
Quelles réponses ?
L Bergugnat recommande donc "de travailler en formation sur les représentations des enseignants... Les enseignants, en prenant conscience du travail émotionnel à l’œuvre face aux difficultés rencontrées dans l’exercice du métier, se donnent ainsi les moyens d’évacuer les affects négatifs engendrant des mécanismes de défense, de prendre de la distance pour construire des réponses appropriées et de modifier leur pratique professionnelle en vue d’une meilleure efficacité et relation aux élèves."
En 2008, L Bergugnat et Nicole Rascle avaient publié un ouvrage sur le stress des enseignants mettant en évidence l'influence de la mutation du système éducatif. "Le stress trouve son origine dans la mutation du système et de la société également en train de s’opérer", notaient-elles, "engendrant des situations de défis à relever mais aussi de menace ou de perte qui ont un coût pour les personnels au niveau des ressources individuels et collectives qu’ils ont à développer pour faire face au changement". Cette nouvelle étude ne concerne pas des enseignants qui ont connu l'ancien système mais des professeurs nouveaux. L'éducation nationale affronte en fait une nouvelle difficulté.
Laurence Bergugnat éclaire les apports de cette étude.
10% de professionnels en burnout est-ce un taux exceptionnel ?
Cela reste dans les taux moyens pour les métiers de la relation d'aide, comme enseignant, soignant ou travailleur social. Par contre ce qui est embêtant c'est que ce taux porte sur des débutants.
En 2008 vous mettiez en cause la mutation de l'Ecole dans l'apparition du stress. Est-ce encore le cas avec ces enseignants ?
Non car il s'agit de débutants qui n'ont pas connu l'ancien système. Il se passe autre chose. Il est clair qu'on ne prête pas assez d'attention à la gestion des ressources humaines notamment dans le moment de l'entrée dans le métier. Ces enseignants débutants sont souvent obligés d'enseigner très loin de chez eux, parfois dans des contextes difficiles. On peut voir la différence entre ceux qui ont un contexte plus facile ou un milieu conforme à leurs attentes et ceux qui souffrent et n'arrivent pas à exercer leur métier, par exemple parce qu’ils ne sentent pas respectés par les élèves. Certains ont du mal à s'adapter, à exercer une autorité éducative. Ceux qui ne souffrent pas de burnout sont ceux qui arrivent à se remettre en question, à trouver des stratégies différentes et sont aidés. Il y a nettement une question de gestion des ressources humaines qui se pose.
Il s'agit des néo titulaires envoyés en classe sans formation ?
Non vous avez vu les dates : ce sont des enseignants passés par l'IUFM dans l'ancien système avec une formation à la clé.
Quels remèdes proposer ?
Une formation sur les représentations et sur la gestion des situations difficiles est la bonne réponse. Si on forme les nouveaux enseignants que à la didactique des disciplines déconnectée des situations de travail réelles, les nouveaux enseignants n'échapperont pas au choc de la réalité. Il faut les aider et les accompagner, par l’analyse de leur pratique par exemple.
Qui souffre le plus ? Les professeurs des écoles (PE) ou les professeurs des lycées et collèges (PLC) ?
Les PE ressentent un épuisement émotionnel plus fort que dans le second degré. Cela tient peut-être à leur relation plus investie avec les élèves, jusqu’à parfois un surinvestissement dans cette relation. C'est différent pour les enseignants du second degré. Il y a aussi le changement survenu dans les conditions de travail dans le premier degré avec l'arrivée des 2 heures d'accompagnement personnalisé. L'institution n'a pas vu qu'elle modifiait le contenu même du travail des enseignants. C'est à nouveau ce qui se passe avec les changements des rythmes scolaires en ce moment. Il faut accompagner ce changement.
Propos recueillis par François Jarraud
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