Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 11/04/2012 : Et si on réduisait la taille des classes ?
Alors que la réduction de la taille des classes reste une des premières revendications des enseignants, comme l'atteste le sondage effectué en mars 2012 par le Café pédagogique, cette mesure reçoit peu d'écho dans la campagne électorale. Certes, Luc Chatel ne cesse de répéter, sans être contrarié, que le nombre d'élèves par classe n'a pas d'impact sur les résultats. Et s'il avait tort ?
"Le nombre d'enfants par classe n'a pas d'impact sur les résultats, bien au contraire". Le 7 mars 2012, Luc Chatel a encore asséné cette opinion lors d'un débat à l'Assemblée nationale. Ces propos confortent la politique de suppressions de postes. Luc Chatel explique qu'il s'appuie sur les travaux de l'OCDE qui montrent qu'il n'y a pas de lien direct entre le nombre moyen d'élèves par classe dans un pays et ses résultats. "Les effets de la variation de la taille des classes sur la performance des élèves ne sont pas étayés par des éléments probants. Les recherches menées dans ce domaine controversé n’ont pas permis de tirer des conclusions cohérentes, même s’il apparaît que les classes moins peuplées pourraient avoir un impact sur des groupes spécifiques d’élèves, notamment les élèves défavorisés", écrit Regards sur l'éducation 2011. Des études françaises semblent également lui donner raison. Ainsi l'évaluation des CP dédoublés en 2002-2003 a bien montré des gains dans les acquisitions des élèves mais ils ne sont pas durables. En 2001, une étude de D Meuret pour le Haut Conseil à l'évaluation de l'école avait conclu en insistant sur les limites de la réduction de la taille des classes et vivement critiqué les dédoublements. "Les recherches ne justifient donc certainement pas une réduction de la taille des classes (RTC) “au fil de l’eau” qui procède du fait qu’il est difficile de retirer un poste ou de fermer une classe lorsque les effectifs baissent, ni une baisse générale de deux ou trois élèves par classe. C’est le résultat le plus clair des études menées en France. Elles ne justifient pas non plus une attitude fondée sur l’idée que la RTC est forcément la politique la moins efficiente qui soit. Elles peuvent effectivement, semble-t-il, servir d’argument à une politique visant les populations défavorisées pendant les premières années du primaire, pourvu que la baisse soit importante, que des mesures de formation adéquates soient prises, et aussi que l’on puisse en mesurer les effets... D’autres politiques, orientées vers un accroissement du temps d’enseignement, semblent pouvoir être plus efficientes et peut être aussi équitables".
Pourtant des travaux récents viennent relancer le débat et remettre en question l'argumentation ministérielle. A la fin du 20ème siècle l'enquête américaine STAR, s'appuyant sur des échantillons, avait mis en avant l'efficacité de la réduction de taille des classes. En 2006, la célèbre étude de Piketty a calculé l'effet qu'aurait une réduction du nombre d'élèves sur la réussite scolaire. Ce travail est repris et développé par Mathieu Valdenaire dans sa thèse soutenue en juin 2011. La grande force de ce travail c'est de s'appuyer sur une méthode incontestable. Elle joue sur les effets de seuil qui font que de façon aléatoire certaines classes sont éclatées en deux groupes classes. A l'école primaire, aujourd'hui, l'écart entre une école prioritaire et une non prioritaire est de deux élèves, 21 élèves par classe dans l'une, 23 dans l'autre. M Valdenaire a calculé l'effet de la suppression de la réduction en zep et d'une diminution de 5 élèves en zep. "La suppression des ZEP aboutirait d’après nos estimations à une progression des inégalités de réussite scolaire entre élèves scolarisés en ZEP et hors ZEP de 11% au primaire, 6% au collège et 3% au lycée", écrit M Valdenaire. "La diminution de 5 élèves des tailles de classes de ZEP conduirait au contraire, dans notre hypothèse basse, à une réduction des inégalités de 37% au primaire, 13% au collège et seulement 4% au lycée". Si l'impact est faible au lycée, il est majeur à l'école. La grande force de l'étude de Valdenaire c'est d'envisager des scénarios très accessibles. Réduire de 5 élèves le nombre moyen d'une classe de zep est facilement envisageable sans créer de postes en augmentant un peu le nombre d'élèves des autres classes. L'impact sur les résultats du passage de 23 à 24 élèves dans les écoles non zep est infime. Pour le dire plus clairement, l'étude montre que Luc Chatel pourrait à coûts constants diminuer de 37% les inégalités entre écoles.
Comment expliquer cet effet ? Plusieurs études montrent que la réduction de la taille des classes ne s'accompagne généralement pas de nouvelles pratiques pédagogiques. Par contre, avoir moins d'élèves permet de mieux les intégrer aux rituels scolaires, d'individualiser davantage, d'avoir une meilleure discipline en cours.
Une proposition de loi. Jean-Jacques Candelier, député Gauche démocrate et républicaine, a déposé début mars 2012 une proposition de loi visant à fixer un maximum d'élèves par classe. "Tout enfant est accueilli à l’école, au collège du secteur et au lycée dans des classes qui ne comptent pas plus de 25 élèves inscrits", demande-t-il. "Ce nombre est porté à 20 dans les établissements classés en réseau d’enseignement prioritaire". Ce texte étendrait en France des pratiques qui existent dans d'autres pays comme en Belgique francophone à la plus grande satisfaction des enseignants.
François Jarraud
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