Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 13/04/2012 : Les langues vivantes sacrifiées sur l’autel des coupes budgétaires
Aux affirmations volontaristes en faveur des langues, à la communication sur leur enseignement éventuel dès la maternelle, Jean-Louis Auduc oppose des textes ministériels qui montrent que l'enseignement des langues est menacé dès la rentrée.
Depuis de nombreuses années, les diverses études consacrées à la France montrent que notre pays se caractérise par une faiblesse de sa population concernant la pratique des langues vivantes étrangères. Au delà des déplorations des décideurs de l’Education nationale que ces études successives entraînent, aucune disposition n’a été prise pour améliorer la situation de l’enseignement des langues vivantes en France. Les actes sont très loin, voire totalement contradictoires avec les paroles concernant l’importance pour tous les élèves de l’enseignement des langues vivantes étrangères.
Tous les spécialistes de cette question indiquent qu’il est primordial pour réussir à donner à chaque jeune une bonne maîtrise d’une langue vivante étrangère, de démarrer le plus tôt possible dans la scolarité. Au-delà de la formule figurant dans la circulaire de rentrée 2012 « Offrir à tous les élèves un parcours linguistique adapté de l'école maternelle au baccalauréat garantissant la progressivité de l'apprentissage », qu’en est-il réellement en primaire ?
La mise en place ces dernières années d’un enseignement des langues vivantes en primaire avait entraîné une modification des épreuves du concours de recrutement des professeurs des écoles avec l’introduction d’une épreuve orale d’admission concernant la maîtrise d’une langue vivante et son enseignement. En effet, pour permettre l’enseignement d’un programme de langues vivantes, il vaut mieux y former les enseignants concernés ! La mise en place de la « mastérisation » a entraîné l’abandon de cette épreuve du concours et les palinodies autour du CLES que les universités sont incapables de préparer a conduit à la situation suivante : les enseignants du primaire ne sont plus formés à l’enseignement d’une langue vivante !
Il faut dire que cela ne semble pas préoccuper le ministère, puisque toute la philosophie de la circulaire de rentrée 2012 semble être qu’enseigner une langue vivante ne nécessite pas la maîtrise des compétences requises pour les autres disciplines, un peu comme si on supprimait l’enseignement du français à tous les niveaux, puisque chacun est censé le parler… Qu’on en juge par ces extraits de la circulaire de rentrée « La sensibilisation des élèves à la diversité des langues vivantes se construit dès l'école maternelle afin de familiariser les plus jeunes à l'écoute de sonorités liées à d'autres langues… Dans cette perspective, des activités sont menées avec des locuteurs natifs lorsque cela est possible (parents, élèves, associations, etc.) ou des supports audio en langues authentiques…Par ailleurs, le Cned a mis à disposition des élèves des ressources pour accompagner et enrichir leur travail (English by yourself). »
Le texte n’est pas au bout de ces contradictions, puisqu’il présuppose qu’un enseignement (comment ? dans quelles conditions ?) va permettre à l’élève de maîtriser les « fondamentaux » d’une langue. « La classe de sixième prépare à l'acquisition du niveau A2, conformément au programme d'enseignement du palier 1, et ne doit pas être le lieu d'une reprise des apprentissages initiaux. » On voudrait favoriser le développement de cours privé de langues pendant l’école primaire qu’on ne s'y prendrait pas autrement !
La même logique prévaut au collège où on « expérimente » (quel mot piégé !) l’abandon d’un horaire obligatoire de langue ; « À la rentrée, la globalisation des horaires de langues vivantes sera expérimentée dans 10 % des collèges. Dans le cadre de cette expérimentation, chaque élève dispose de 684 heures de langues vivantes sur l'ensemble de sa scolarité au collège. Cette globalisation vise à encourager la mise en place de modalités nouvelles d'enseignement adaptées au contexte de chaque établissement, notamment les groupes de compétences. Les établissements veilleront toutefois à garantir aux élèves un volume horaire global d'apprentissage suffisant dans les deux langues pour permettre à chacun de parvenir aux niveaux de compétences fixés par les programmes du collège. » Le terme « un volume horaire global d'apprentissage suffisant » apparaît bien pratique pour justifier toutes les diminutions d’horaires. A ce niveau aussi, enseigner une langue vivante ne semble un métier nécessitant un travail spécifique, puisqu’on considère que chacun peut faire des langues vivantes ; « L'introduction de l'enseignement de disciplines en partie en langue étrangère au collège permet de renforcer l'apprentissage de la langue sous un autre angle… »
Au-delà de l’impossibilité d’assurer sans aucun financement que « Chaque élève doit pouvoir participer à un séjour à l'étranger au cours de sa scolarité… », ces préconisations semblent indiquer que les langues vivantes risquent de se retrouver pour certains établissements comme les sacrifiés des amputations budgétaires. Gageons qu’en cohérence avec l’exclusion possible de certains élèves en fin de cinquième, on sait d’avance, quels publics seront victimes de ces choix, qui, on peut l’espérer, seront bloqués après mai 2012…
Jean-Louis Auduc
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