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Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 13/09/2011 : Pierre-Yves Bernard : " On assiste à une désaffection pour le modèle scolaire classique"

La déscolarisation, Pierre-Yves Bernard la suit de près. Maître de conférences à l'Université de Nantes, auteur du "Décrochage scolaire" (PUF) il met en perspective les données de l'OCDE et ouvre des pistes pour lutter contre le décrochage. Car c'est le modèle scolaire français qui arrive à son terme.


L'OCDE annonce un taux de scolarisation en baisse pour les 15-19 ans. Quel regard jetez-vous sur ces données ?

Depuis 1995 il n'y a pas eu en France de progression très significative de la durée des études. Il y a même certaines évolutions qui favorisent au contraire la baisse de cette durée, comme la diminution des redoublements en primaire et au collège ou la réforme récente du baccalauréat professionnel passant de 4 à 3 ans. Par ailleurs le constat global qu'on peut établir est que depuis 15 ans les limites de la croissance du système éducatif ont été atteintes, comme si on avait atteint un plafond. On n'arrive pas à faire progresser significativement le pourcentage de jeunes qui terminent des études complètes.


Quelle est la part de la politique sociale et de la politique scolaire dans cette situation ?

Il est difficile de distinguer les deux car le scolaire s'inscrit dans le social. Le décrochage scolaire est un phénomène complexe qui renvoie aux attentes des individus, à l'image que l'Ecole se donne à travers pratiques et valeurs qu’elle véhicule, aux situations sociales des familles et aux décisions politiques, entre autres facteurs. Au niveau politique, on n’a pas connu ces dernières années de réforme susceptible de changer la donne, à l’exception notable de celle du bac professionnel. Mais on peut douter qu’elle remette en cause la séparation des publics scolaires reproduisant elle-même une séparation sociale... Quant aux attentes, on assiste à une désaffection pour le modèle scolaire classique de la part de certains jeunes. Le système scolaire français ne prend pas en compte la multiplicité des trajectoires et des talents des élèves jusqu'à la fin de leur scolarité.


Que pourrait faire le système éducatif ?

Une bonne partie des interruptions de scolarité se font entre 16 et 18 ans et la majorité ne sont ni en emploi ni en formation, et restent le plus souvent chez eux. Les travaux du Céreq nous disent que ces jeunes qui quittent l’école sans diplôme finissent par s'insérer professionnellement pour un tiers d'entre eux, connaissent un chômage récurrent pour un autre tiers et sortent totalement du monde du travail pour un dernier tiers.

Mais on peut agir à plusieurs niveaux. D'abord sur les apprentissages, le plus en amont de la scolarisation, par exemple en favorisant la préscolarisation, ou en travaillant de façon plus inclusive avec davantage d'attention aux difficultés des élèves. A cet égard la politique récente consistant à se passer de ressources utiles comme la scolarisation avant 3 ans ou les Rased ne va pas dans le bon sens.

Au collège en faisant attention aux besoins des élèves, notamment dans la transition entre élémentaire et secondaire. Des moyens sont mis en œuvre en ce sens en ZEP, mais mériteraient d’être développés au-delà.

Au lycée en œuvrant pour le rapprochement des formations, en décloisonnant les voies de formation. Tant qu'on aura à une extrémité une filière sélective et à l'autre certaines filières professionnelles avec des débouchés hasardeux, des lycéens professionnels se déscolariseront. Certains élèves voient bien que leur formation ne leur garantit pas un emploi qualifié. Dans mes enquêtes de terrain j'ai croisé ainsi des jeunes peu motivés par la certification de leur année en L.P.


L'OCDE préconise d'augmenter le salaire et la formation des enseignants plutôt que diminuer le nombre d'élèves par classe pour améliorer le système éducatif. Qu'en pensez vous ?

Les calculs sur la rémunération sont toujours un peu trompeurs car il y a de forts écarts entre personnels. Souvent on demande à des gens peu rémunérés d'exercer une mission qui devrait revenir à du personnel qualifié. Un bel exemple est celui des EVS-H (emplois vie scolaire – handicap) qui accompagnent en classe les enfants handicapés. Ce sont des personnes qui sont payées au SMIC, à temps partiel sur des contrats précaires. Il y a aussi la question de la formation. On voit qu'elle est déterminante. Partout ailleurs, la formation des enseignants s’appuie en partie sur les réflexions menées en sciences de l’éducation. Mais là c'est clair en France, on ne va pas dans le bon sens...



Entretien François Jarraud


Pierre-Yves Bernard, Le décrochage scolaire, Que sais-je n°3928, PUF Paris 2011.





13/09/2011
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