Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 13/12/2010 : Quels intérêts sert le rapport sur les rythmes scolaires ?
Alors que la commission des affaires culturelles de l'Assemblée émettra mercredi 15 décembre son avis officiel sur la réforme des rythmes scolaires, son rapport a été publié par l'Assemblée nationale. Il va bien au-delà de la question des rythmes pour aborder les services des enseignants, leur annualisation, la réforme des programmes.
"Nous avons très vite constaté qu’une réforme des rythmes de vie scolaire, quelle qu’elle soit, aurait des répercussions profondes sur les méthodes d’enseignement et les missions des enseignants eux-mêmes". C'est à une remise à plat des écoles, des collèges et des lycées que conduit le rapport de Xavier Breton et Yves Durand sur les rythmes scolaires, réalisé pour la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale. Il passe en revue la réorganisation du temps scolaire mais aussi des "questions connexes" comme la régulation des politiques éducatives, la redéfinition du service des enseignants, le statut de l'école et l'organisation des vacances d'été. Même si les rapporteurs n'ont pas édicté des recommandations claires, préférant offrir un rapport très documenté sur ces questions, des mesures se détachent clairement de ce rapport. Et certaines ne peuvent pas être prises dans l'urgence que semblent préférer les auteurs.
Des rythmes scolaires mis aux standards européens. "La France se caractérise en effet par un nombre très faible de jours d’école (144 contre 187 pour la moyenne de l’OCDE) et des journées de six heures bien remplies, beaucoup trop remplies. Il faudrait donc réduire la durée de la journée scolaire en fixant un plafond quotidien horaire", écrivent les rapporteurs, ce qui revient à dire qu'ils souhaitent non seulement augmenter le nombre de jours travaillés dans la semaine mais aussi le nombre de semaines.
Au primaire, ils préconisent la semaine de 5 jours, en pesant le pour et le contre des cours le mercredi ou le samedi. Le mercredi pose la question du catéchisme. Le samedi rencontre l'hostilité conjointe de l'Union professionnelle artisanale (c'est un jour de chiffre d'affaire important) et des syndicats d'enseignants. Une seule chose est certaine pour eux "la semaine de quatre jours devrait être purement et simplement interdite". Le statut du directeur d'école serait aussi à revoir, estiment les rapporteurs, pour aller dans le sens du "leader" préconisé par le rue de Grenelle.
Secondaire : alléger les disciplines jusqu'à leur évaporation. Dans le secondaire, le volume horaire est trop lourd. Les solutions qu'ils envisagent c'est de donner plus de "souplesse" en fixant des maxima horaires mais pas de minima... "Il serait souhaitable de réduire le temps de cours magistral, de développer les enseignements pluridisciplinaires et de repenser les temps pédagogiques et les séquences d’enseignement... Tout ceci impliquerait de faire varier les formes de regroupement des élèves. Il faudrait davantage recourir aux groupes de compétence, aux ateliers d’accompagnement, aux « cours dialogués », etc. Des cours magistraux de soixante à quatre-vingts élèves pourraient être dispensés "pour l’enseignement des matières « dictées », comme l’histoire-géographie, ce qui permettrait de préparer les élèves à l’enseignement supérieur". Les professeurs d'histoire-géo apprécieront... Par ailleurs, "la liaison entre les enseignements disciplinaires et les activités de découverte, que ce soit dans le domaine culturel et sportif ou auprès du monde de l’entreprise, devrait être repensée. L’Éducation nationale pourrait conclure à cet effet des partenariats systématiques avec les autres ministères et les collectivités locales". Dans un langage plus direct on pourrait peut-être traduire que l'EPS, les arts plastiques et l'éducation musicale pourraient ne plus être assurées par l'éducation nationale mais relever de partenariats locaux. Ce scénario est déjà avancé avec l'expérimentation du sport l'après-midi.
Revoir le service des enseignants. "Nos travaux nous ont enfin conduits à nous intéresser aux obligations de service des enseignants", écrivent les rapporteurs. "Pour les professeurs du premier et du second degré, ces obligations pourraient être liées à la définition d’un temps de présence dans l’établissement, cette approche étant mise en oeuvre par de nombreux pays européens". Traduisons là aussi : elles pourraient être comprises aux alentours de 35 heures hebdomadaires.
Revoir donc les champs disciplinaires. Le rapport envisage aussi de redessiner le contour des disciplines. Il y aurait moins de disciplines, les professeurs enseignant des blocs disciplinaires. "Si l’on veut faire évoluer les rythmes scolaires dans la journée, si l’on veut personnaliser et individualiser la pédagogie, on est obligé de concevoir différemment les emplois du temps et de revoir les champs disciplinaires. Quel avantage y a-t-il en effet à maintenir les enseignements « spécialisés » par champ disciplinaire tels que nous les connaissons aujourd’hui ?"
Comment diminuer les vacances sans toucher les activités touristiques ? "Les vacances d’été pourraient être raccourcies de deux ou trois semaines" disent-ils. Réduire la durée des vacances d'été leur semble nécessaire. Mais ils redoutent... l 'impact sur les activités touristiques. La solution est là aussi du coté de la "souplesse". "Une chose est sûre. D’un côté, la « centralisation » de la gestion du temps scolaire depuis la rue de Grenelle ne permet pas aux équipes de s’adapter aux besoins de leurs élèves. De l’autre, une décentralisation totale n’est pas souhaitable, car l’éducation doit rester dans un cadre national". On aurait ainsi des dates de congés différentes selon les régions, étalées sur les périodes des anciennes vacances.
Des recommandations qui accéléreraient le désengagement de l'Etat. Le rapport aborde des questions tout à fait légitimes. Il est nécessaire d'alléger la semaine de cours. Il faut recentrer l'école sur le travail de l'élève et non sur la transmission par le maitre et créer des moments d'étude silencieuse. Il est indispensable de revenir à 5 jours au primaire et de prendre en compte les recommandations des chronobiologistes. Mais on voit bien comment l'application de ce rapport, dans le moment particulier où nous sommes de retrait de l'Etat, sert une autre cause. La lecture du rapport pourrait donner à penser que les arguments pédagogiques, fort sérieux, ne sont utilisés que pour faire passer l'arsenal de réformes que la RGPP a souhaité dès ses débuts. Il permettra de céder de vastes pans de l'éducation nationale. On dégagera ainsi des économies en reportant la charge éducative sur les familles et les collectivités locales qui pourront les porter. Est-ce l'intérêt de tous les élèves ?
Et les profs ? Les rapporteurs, l'un de la majorité, l'autre de l'opposition, ont ainsi pensé à tout : les achats du samedi, les stations de sports d'hiver, les retombées financières sur les communes, les futures épreuves du bac, et encore de nombreux faits que le lecteur découvrira dans le rapport. Il n'y a qu'un seul oubli. Un détail. Une broutille. Trois fois rien : le salaire des enseignants. Pourtant "l'assouplissement" qu'ils préconisent avec des minima éducatifs, la suppression des barrières disciplinaires, les groupes de 75 élèves à gérer, les semaines de 35 heures, la diminution d'un mois des congés, tout cela impacterait très négativement le métier d'enseignant. Ils n'ont pas imaginé que la réforme qu'ils envisagent n'est acceptable que dans le cadre d'une revalorisation puissante des salaires. Posons leur deux questions. Pourquoi faire de longues études pour accéder à un métier dévalué, des horaires et une paye d'employé ? Peut-on réformer l'éducation sur le dos des enseignants ?
François Jarraud
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