Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 24/01/2011 : My Chatel is poor
Invité au "grand rendez-vous Europe 1 / Le Parisien, le 23 janvier, Luc Chatel a annoncé son intention de proposer l'apprentissage de l'anglais dès 3 ans. Une idée séduisante. Mais séduction est-ce toujours raison ?
Pour Luc Chatel, il faut "réinventer l'apprentissage de l'anglais" et l'envisager dès 3 ans. Pour cela, le ministre, qui s'exprimait devant les auditeurs d'Europe 1, veut "tirer toutes les conséquences de l'apport des nouvelles technologies dans l'enseignement des langues, et donc revoir en profondeur les pratiques pédagogiques". Le ministre souhaite par exemple jumeler chaque collège et lycée français avec un établissement partenaire. Ainsi "tout enfant (aura) fait au moins une fois dans sa vie un séjour à l'étranger". Il a également demandé au CNED de développer "un outil d'apprentissage à distance de l'anglais".
Le fait est que l'apprentissage des langues vivantes en France est un point faible du système éducatif.
Fin 2010, une étude européenne signalait que la France se classe bonne dernière dans la pratique des langues mais aussi dans les pays de tête pour l'enseignement des langues. La France se range parmi les pays européens où le plus fort pourcentage d'élèves apprennent deux langues au moins au niveau lycée. Mais, malgré les efforts des enseignants, c'est le pays européen qui compte le plus faible pourcentage de personnes déclarant une bonne maîtrise d'une langue étrangère avec moins de 10% des jeunes. Cette maîtrise signe aussi l'écart entre les niveaux scolaires : 1% des jeunes ayant un faible niveau d'étude maîtrise une langue étrangère contre 14% des jeunes ayant un niveau d'études élevé. Ajoutons que c'est aussi un marqueur social : la maîtrise de l'anglais est exigée pour accéder à de nombreuses Ecoles et les familles favorisées ne l'ignorent pas...
De quel apprentissage précoce s'agit-il ?
L'idée d'un apprentissage précoce peut sembler bonne. Il est communément admis que les enfants apprennent plus facilement une langue vivante que les adultes ou les adolescents. Et l'éducation nationale a introduit l'apprentissage d'une langue vivante dès le primaire. Mais il faut tout de suite relativiser ces deux points. D'une part les rares évaluations de l'enseignement des langues au primaire montrent des résultats inégaux. Et très souvent l'apprentissage redémarre à zéro au collège... D'autre part, l'apprentissage précoce n'est pas fécond dans toutes les situations. Ainsi, la cogniticienne Anne Christophe expliquait au Café en 2008 que si "l'investissement dans un apprentissage très précoce des langues est rentable" cela ne veut pas dire qu'un apprentissage scolaire le soit. Les études effectuées sur la rentabilité portent sur des enfants en immersion familiale dans un nouveau pays et donc soumis en permanence aux deux langues jusqu'à au moins la puberté. L'efficacité de quelques heures par semaine de deuxième langue, comme c'est le cas dans le système scolaire, n'a pas été étudiée et les cognitivistes n'ont pas de réponse à cette question.
Le ministre a-t-il les moyens de ses ambitions ?
Alors que le budget de l'éducation nationale décroche avec l'inflation et supprime 16 000 postes, annoncer la promotion des langues vivantes est au minimum un paradoxe. Dans Le Monde, Maryline Baumard a beau jeu de signaler que dans les académies les recteurs commenceront par supprimer les postes d'intervenants en langues. On voit mal comment un outil informatique à lui seul pourrait remplacer les enseignants. L'idée du jumelage est très séduisante mais suppose aussi que des établissements étrangers soient intéressés. Ce ne sera pas le cas en Angleterre où le français n'est presque plus enseigné. Quant à un séjour aux Etats-Unis, il faudrait pouvoir compter sur un financement de l'éducation nationale... La pauvreté de l'enseignement des langues en France a sans doute des racines profondes, culturelles, qui échappent à l'éducation nationale. Les effets d'annonce ministériels ont-ils un autre sens qu'un gouvernement par l'opinion ?
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