Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 26/06/2015 : Le mécontentement domine largement dans l'Education nationale selon le Baromètre Unsa
Où sont les améliorations ? C'est la question que posent les professionnels de l'Education nationale si l'on en croit le Baromètre Unsa publié le 25 juin. Pour la troisième année, ce sondage massif (22 000 réponses) montre des enseignants qui ne se sentent ni reconnus ni rémunérés correctement. Pour 85% des enseignants, il n'y a pas eu d'amélioration de leurs conditions de travail. Seulement 22% approuvent les choix politique dans leur secteur.
"Malgré le poids de ce problème central du pouvoir d’achat qui devient un contentieux, les avis positifs relatifs aux choix politiques frémissent légèrement : 1 collègue sur 4 est en accord avec ces derniers en 2015 (1 sur 5 l’an dernier). Même si les réformes des rythmes scolaires et du collège continuent à faire débat, tout particulièrement chez les enseignants concernés, la perception de choix éducatifs plus positifs progresse. Enfin, 43% des répondants conseilleraient leur métier à un jeune de leur entourage contre 51% qui ne le feraient pas".
Si Laurent Escure, secrétaire général de la fédération Unsa Education, cherche le positif dans les résultats du Baromètre Unsa, c'est qu'il interroge les orientations de sa fédération. Fort de sa progression aux dernières élections, l'Unsa veut maintenir un cap qui, selon elle, attire de plus en plus d'adhérents.
Pourtant le Baromètre est probablement alimenté en grande partie par des sympathisants du syndicat. Avec 21 921 réponses pour l'ensemble du secteur Education culture, dont près de 8 300 enseignants, 2 000 directeurs d'école, 228 IEN, le Baromètre est une source d'informations sérieuse sur ce que pensent les professionnels de l'éducation sur leur vie professionnelle et la politique gouvernementale. Et ses résultats amènent à nuancer fortement le tableau brossé par l'Unsa Education.
Un amour du métier largement partagé
S'ils sont très mécontents, on va le voir, les métiers de l'éducation gardent la foi. Sont-ils heureux d'exercer leur profession ? 80% des enseignants répondent "oui". C'est le cas de 84% des directeurs d'école et des IPR. Le taux monte à 91% chez les personnels de direction. C'est que chacun est persuadé que ce qu'il fait a du sens. C'est vrai pour 76% des enseignants et des IEN, 73% des IPR et encore 91% des personnels de direction. Voilà pour le positif. Car ce que montre surtout le baromètre c'est le mécontentement des enseignants.
Un large mécontentement chez les enseignants
Selon le baromètre , 77% des enseignants sont en désaccord avec les choix politiques faits dans leur secteur. Ce taux monte à 78% dans l'enseignement primaire qui est le lieu où le mécontentement est le plus fort. 85% des enseignants ne voient aucune amélioration de leurs condition de travail dans l'année. Deux enseignants sur trois déclarent ne recevoir ni reconnaissance ni respect dans leur vie professionnelle (67%) et avoir des conditions de travail insatisfaisantes (65%). Ce taux monte même à 71% au primaire. 85% se plaignent aussi d'une rémunération insuffisante et 37% changeraient bien de métier. Sur tous ces points, il y a continuité avec l'édition 2014 du baromètre.
Les revendications des enseignants portent d'abord sur le pouvoir d 'achat. Pour L Escure cette question "s'enkyste" et doit être traitée. Des négociations sont en cours avec le gouvernement sur ce point. Cette question du pouvoir d'achat revient en premier dans toutes les catégories enseignantes mais pas chez les cadres. Les autres points noirs sont la charge de travail. Dans le second degré la question des perspectives de carrière arrive en second plan. Mais c'est peut être du fait du poids de l'encadrement.
Une profession profondément divisée
Le fossé entre l'encadrement et les enseignants est profond. Certes les personnels de direction et les inspecteurs se plaignent d'une rémunération insuffisante (75 à 80%). Mais leur revendication première porte sur la charge de travail. Surtout leur vécu quotidien est très différent de celui des enseignants. La majorité des personnels d'encadrement se sentent reconnus et respectés dans leur travail. Ainsi seulement un personnel de direction sur trois ne sent pas respecté alors que c'est le cas de 2 professeurs sur trois. Seulement 47% des personnels de directions jugent leurs conditions de travail insatisfaisantes. Mais la grande différence entre l'encadrement et les enseignants c'est leur rapport aux choix politiques. La grande majorité leur est favorable : 63% des IPR, 57% des personnels de direction, 60% des IEN quand ce n'est que 20% des directeurs d'école et 18% des enseignants.
Pour autant les cadres rêvent eux aussi de prendre le large. 50% des IPR aimeraient changer de métier dans le public, 36% des personnels de direction. Un IPR sur quatre envisagerait même d'aller dans le privé. Malgré tout deux personnels de direction recommanderaient leur métier à leur enfant quand ce n'est qu'un professeur sur quatre...
La malaise s'approfondit
Le portrait dressé par le baromètre Unsa est celui d'une profession en profond malaise. Malaise des directeurs d'école et des enseignants qui ne se sentent ni reconnus, ni valorisés, ni en accord avec ce le chemin que prend l'Ecole. Malaise aussi dans le métier par l'opposition persistante entre l'encadrement et les enseignants. Tout ce contexte pèse évidemment sur les réformes en cours.
C'est d'autant plus grave que ces résultats ne sont pas une surprise. Ils sont dans la continuité de l'enquête de 2014. Ils confirment ce que dit l'enquête Talis de l'Ocde en juin 2014. Talis montre que seulement 5% des professeurs estiment que leur métier est valorisé dans la société. C'est le taux le plus faible de très loin (moyenne 31%) des pays de l'Ocde. Les enseignants français sont aussi ceux qui croient le moins que leur évaluation récompense les meilleurs. Ils sont aussi ceux qui pensent le plus que leur évaluation n'a qu'une utilité administrative.
Le baromètre Unsa montre aussi les aspirations des enseignants à une autre carrière : 37% envisageraient une autre carrière dans le public et 22% dans le privé. Là aussi l'éducation nationale va-t-elle continuer à regarder aileurs ?
François Jarraud
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