Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 27/05/2014 : Ce2 : Le niveau stagne
Après l'amélioration des résultats des écoliers à l'entrée en CP constatée par la Depp (ministère de l'éducation nationale) entre 1997 et 2011, on pouvait s'attendre à voir les progrès continuer à l'école élémentaire. Une nouvelle étude de la Depp, publiée le 27 mai, montre que globalement les résultats sont stables en début de CE2 avec quelques progrès et des baisses inquiétantes sur certaines compétences. Si l'Ecole sait faire mieux sur les premiers apprentissages, elle est incapable de faire progresser le niveau en élémentaire depuis 14 ans.
Réalisée à partir d'un échantillon de près de 4 000 écoliers, l'étude de la Depp (Division des études du ministère) permet de comparer les résultats au début du CE2 en 1999 et en 2013. Une précédente étude, publiée en septembre avait montré de nets progrès à l'entrée en CP entre 1997 et 2011.
Des progrès en CP...
En CP, l'étude de la Depp avait évalué des compétences de décodage phonologique. Par exemple les enfants devaient retrouver dans l'exemple ci-dessous l'intrus. On constate qu'ils réussissent nettement mieux en 2011 qu'en 1997.
En calcul on leur demande par exemple de dénombrer des objets et de trouver le bon domino correspondant.
Là aussi les progrès sont significatifs en 14 ans. Si on compare la répartition des élèves entre 1997 et2011 on voit un glissement vers la droite et donc une amélioration de tous et même une réduction des écarts entre les enfants. En 11 ans l'école maternelle a su les faire progresser. Même si des critiques ont pu être portées sur la solidité de ces apprentissages pour la suite des études, au moins il y a progrès sur les compétences évaluées. Le débat a porté sur les facteurs de ces progrès mettant en cause aussi bien les méthodes employées que l'évolution sociologique.
Pas confirmés en CE2
Et voilà que quelques mois plus tard, une autre étude de la Depp reprend ces élèves deux ans plus tard pour évaluer leurs progrès. Il s'avère que les lièvres de 2011 sont devenus des tortues en 2013. Deux ans plus tard, à l'entrée en CE2, on ne constate pas de progrès entre 1999 et 2013. Globalement le niveau des élèves est stable. Il s'est même dégradé pour certaines compétences. Et les plus faibles sont devenus encore plus faibles.
En lecture , certaines compétences régressent quand d'autres sont stables.
Le décodage, appris en maternelle, reste acquis. Mais la compréhension de texte, du vocabulaire et l'orthographe sont moins bons qu'il y a 11 ans.
Ainsi cet exercice qui demande une compréhension d'un texte court est un peu moins bien compris en 2013 qu'en 1999. Tout se passe comme s'il était facile d'améliorer le décodage mais plus délicat de faire travailler la compréhension de textes.
En calcul, on note des progrès en soustraction mais par contre de nettes baisses quand il s'agit de comparer des nombres ou de résoudre des problèmes numériques.
Ainsi l'exercice permettant de comparer des nombres (ci-dessous) est moins bien réussi et donne du fil à retordre à de nombreux élèves.
Un exercice impliquant une décomposition en dizaines, est lui aussi nettement moins bien réussi. A travers ces deux exemples on peut dire que la notion de nombre n'est pas acquise par tous les élèves. Rémi Brissiaud semble avoir eu raison...
Quels facteurs ?
Ces résultats montrent d'abord que les progrès réalisés en CP ne se poursuivent pas deux ans plus tard. L'école réussit mieux à faire apprendre le décodage que la compréhension de textes. Certes le décodage est nécessaire à la compréhension des textes mais il ne suffit pas à la garantir. "Le développement des compétences langagières (lexicales, syntaxiques, textuelles) constitue également un passage obligé", estime la Depp. De la même façon, "la suite des nombres (numérotage) n’induit pas en elle-même la notion de quantité et la conscience du nombre". L'école réussit mieux à faire apprendre le dénombrement que la notion de nombre. Or celle-ci s'avère fondamentale.
Comment expliquer ces décalages ? En français, il semble bien que la maitrise du vocabulaire soit une clé de la compréhension. Or on sait qu'elle est liée aux inégalités sociales. Une étude américaine a mis en évidence une forte différence entre le nombre d'heures de lecture suivies par l'enfant selon les CSP (1 700 h à 5 ans pour un enfant des classes supérieures, 250h pour un enfant des milieux populaires). Le nombre de mots maitrisés varie également, selon A Florin, en fonction de CSP (écart de 1 000 mots en CE1 entre favorisés et les autres). Les inégalités sociales peuvent être une piste. Mais l'école réussit à les vaincre en maternelle, pas en élémentaire. Et on notera que les résultats en maths et en français ne baissent pas en zone prioritaire entre 1999 et 2013 alors qu'ils le font hors éducation prioritaire.
Il y a sans doute aussi des pistes à chercher dans les pratiques enseignantes. Ainsi l'apprentissage du vocabulaire, impulsé dans les programmes de 2008 d'une façon typiquement lourde, ne réussit visiblement pas. Cogniticiens et pédagogues s'affrontent sur les méthodes. Mais seuls les jeunes des quartiers populaires finissent relégués. Aurait on sous-estimé les politiques sociales et culturelles ?
François Jarraud
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