Article dans Le Figaro du 03/09/2010 : Des cours privés pour aider... les professeurs débutants
Plusieurs organismes proposent depuis la rentrée des formations pour apprendre aux jeunes enseignants à «prendre en main» leur classe. Une conséquence de la masterisation, qui a réduit à sa portion congrue la formation pédagogique des futurs profs.
Après les cours privés pour les élèves, les cours privés pour les profs. La rentrée des classes 2010 voit un nouveau phénomène se développer : quelques écoles privées ont développé des formations pour apprendre aux enseignants débutants à «prendre en main» leur classe. Une formation jusque-là délivrée par les Instituts de formation des maîtres (IUFM), mais qui a été fortement réduite avec l'adoption de la réforme dite de "masterisation" l'an dernier. Avant cette dernière, les professeurs stagiaires n'avaient environ que huit heures de présence à assurer en classe, le reste du temps étant dévolu à la formation. Ils doivent désormais en assurer entre 14 et 18, ce qui diminue le temps consacré à leur formation pédagogique.
Pour pallier ce manque, certains enseignants débutants se sont tournés vers le secteur privé, où les stages de «prise en main» d'une classe ou de «prise de fonctions» ont fleuri dès le mois d'août. Ces derniers durent en moyenne deux à cinq jours. Un laps de temps certes court, mais qui permet aux futurs professeurs de se rassurer un peu sur leur capacité à gérer une classe. Au programme donc : mise en place d'un programme de rentrée pour ses élèves, première réunion avec les parents, difficultés envisageables, gestuelle à adopter, etc… Ces stages, qui coûtent entre 200 et 600 euros en moyenne, n'ont pour l'instant pas séduit un grand nombre de professeurs stagiaires. Mais les écoles privées se veulent optimistes.
«Coaching pédagogique»
«Nous avons eu neuf stagiaires en août, c'est peu pour l'instant, mais nous savons qu'une demande existe», se justifie Carole Huron, la directrice de Prépa Public, affirmant que son but est «d'aider les enseignants débutants au cours des premiers mois de leur carrière». «Après une première mise au point en août, nous leur proposons une nouvelle formation dès octobre pour apprendre à gérer différentes situations, poursuit la responsable. Nous abordons au travers de mises en situation les relations avec les enfants en difficultés (handicap, violences, échec scolaire), ainsi que la collaboration avec les autres membres du corps professoral, notamment au cours des réunions pédagogiques». Cinquante-quatre heures au total encadrées par des professionnels de l'éducation pour lesquelles les «étudiants» devront s'acquitter de 590 euros.
Forprof, une des principales écoles privées en matière de préparation aux concours de l'enseignement, propose également depuis la rentrée une formation pour les professeurs débutants encadrés à 98 % par des professionnels de l'Education nationale. Au-delà des cinq jours de stage de pré-rentrée qui n'ont pas non plus rencontré le succès escompté, le président de l'institut, Patrick Foglia, mise sur un accompagnement à long terme. «Nous voulons soutenir ces jeunes professeurs pendant deux, trois ou quatre ans à l'aide d'un programme de ‘coaching pédagogique'. Une trentaine de professeurs, en poste en moyenne depuis un à quatre ans, ont déjà souscrit à cette formule pour un trimestre, précise le fondateur de Forprof, qui assure ne pas vouloir se substituer à l'Education nationale. Prix de ce soutien : 600 euros par trimestre. Mais Patrick Foglia se défend de toute visée lucrative, assurant que ce secteur ne représente que 3 à 5 % de son chiffre d'affaires.
«Garantie de l'Etat»
Ces formations sont vues d'un mauvais œil par les syndicats, qui y voit une conséquence de la masterisation. Une réforme qu'ils n'ont cessé de dénoncer depuis son adoption. «Nous ne sommes pas réticents par rapport aux sociétés elles-mêmes qui font ce qu'elles veulent, mais par rapport à ce qu'elles traduisent. Elles sont la preuve que la formation des enseignants s'est détériorée du point de vue de la professionnalisation», dénonce Joël Péhan, chargé de la formation et des jeunes enseignants au syndicat SE-UNSA. «Où est la garantie de l'Etat dans cette formation ?», demande de son côté, Roland Hubert, co-secrétaire général du SNES, s'interrogeant sur les compétences de ces écoles privés. «Dès que l'Etat abandonne certaines de ses responsabilités, des sociétés en profitent dans un but lucratif, poursuit le syndicaliste. On ne peut pas garantir une éducation de qualité aux parents avec des enseignants qui n'ont pas reçu une formation sérieuse et validée par l'Etat».
«Les enseignants débutants ne devraient pas être démunis devant leur classe, dément Josette Théophile, la directrice des ressources humaines (DRH) du ministère de l'Education nationale. Certes, ils vivent une année de transition avec la mise en place de la réforme, mais cette dernière a également permis d'augmenter le niveau de connaissances des jeunes recrutés». Et la DRH d'ajouter : «Nous avons aussi essayé de sélectionner des postes où ils n'auront pas à faire face à une année d'examen. Et ils seront tous suivis par un tuteur tout au long de l'année». Même Internet a été mis à contribution par le ministère avec un forum en ligne où les professeurs stagiaires peuvent échanger sur leurs difficultés… et leurs angoisses.
Par Marion Brunet
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