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Article sur www.grainedecurieux.fr : L'éveil au goût - Comment les éveiller au goût ?

En 1974, Jacques Puisais crée les premières « Classes du goût » pour les écoliers de la région de Tours. L’initiative s’étend à toute la France et remporte un franc succès, puis est abandonnée par l’Education Nationale. L’Institut du Goût a réactualisé ces leçons pour les enfants de 8 à 12 ans.

Questions à Patrick Mac Leod, président de l’Institut du Goût.

 

Comment se déroulent ces classes du goût ?

Nous avons conçu 12 leçons, théoriques et pratiques, au cours desquelles on fait le tour des 5 sens.

On apprend à découvrir les goûts, les odeurs, les textures, comment les sens coopèrent quand on mange quelque chose, l’idée étant de faire découvrir à l’enfant ses propres sens.

Ensuite on leur fait déguster des choses très simples : des tartines, des pommes de terre en robe des champs ou des radis avec divers assaisonnements, des herbes aromatiques, pour étudier les textures, les goûts et les arômes.

Avec une double approche : ce que tu sens, toi enfant et ce que tu peux apprendre sur l’aliment que tu as mis dans ta bouche.

Comment enseignez-vous le goût ?

Il y a très peu de vocabulaire pour les sens chimiques du goût et de l’olfaction. Cela se limite à : j’aime/j’aime pas. Alors on fait découvrir aux enfants qu’on peut mémoriser ce qu’on a goûté, en choisissant les mots qui correspondent à ce qu’on a senti soi-même. Nous leur proposons de fabriquer leur propre référentiel, par exemple en comparant un jus d’orange fabriqué devant eux et un jus en bouteille.

C’est tellement intéressant de goûter et d’essayer de verbaliser ce que l’on ressent, que cela captive 100% des élèves. Ils s’amusent vraiment beaucoup, d’une manière intéressée, parce que finalement l’objet de l’étude, c’est eux-mêmes.

 

A quoi sert cette éducation au goût ?

Notre démarche se veut humaniste, et épicurienne, dans le sens « connais-toi toi-même ». On n’enseigne absolument pas la gastronomie, on s’intéresse à l’homme, pas à la truffe !

Nous avons tous d’assez grandes différences dans nos perceptions sensorielles, l’« observateur standard » n’existe pas. Alors quand l’enfant découvre qu’il a sa propre sensibilité, différente de celle de son voisin, il apprend à le respecter. Cela ouvre d’une manière fondamentale l’esprit des enfants au respect de la différence, à la tolérance. C’est aussi une occasion de mettre un bémol à la tendance qu’a le système scolaire à standardiser les individus.

 

Et comment faire une éducation au goût, à la maison ?

Cela peut commencer à 3, 4 ans, l’enfant sera réceptif et va bien fonctionner sur le plan de la découverte de tout ce qui est comestible jusque vers 10/12 ans.

Pour une période éducative, l’essentiel est que le goût se perçoive bien. Il faut commencer simplement, éviter les préparations avec trop d’ingrédients où on ne comprend plus rien. Cuisiner des choses saines, équilibrées, et qu’on sente bien la différence si c’est préparé à l’huile d’olive ou au beurre.

Rendez service à vos enfants en leur faisant acquérir un répertoire alimentaire aussi varié que possible. Evitez de fabriquer un enfant « jambon-nouilles» ou « steack-frites », c’est le plus mauvais service que vous pouvez lui rendre. Cela lui donne une référence extraordinairement étroite, donc il passe à côté d’énormément de choses.

     

 

Que faire quand son enfant refuse de goûter ce qu’on lui a préparé ?

La bêtise à ne pas faire c’est de les punir quand ils ne veulent pas goûter. Il faut au contraire les gratifier quand ils veulent bien goûter. Il vaut mieux respecter sa « néophobie »* plutôt que la réprimer, le but étant de la surmonter.

 

Quelques conseils, pour mieux goûter ?

Y attacher de l’importance et y consacrer du temps. Pour bien manger, il faut prendre le temps d’obtenir un plaisir important. Ce plaisir alimentaire, on en profite plusieurs fois par jour pendant toute sa vie, donc cela vaut le coup de le cultiver.

L’exemple extrême, c’est la dégustation du sommelier : commencer par regarder, puis flairer, avant de mettre en bouche. Faire attention à ce que l’on ressent et comment ça évolue pendant la durée de la mastication, avant la déglutition. Si l’enfant avale comme un glouton, il ne va pratiquement rien (re)sentir et n’aura de toute façon pas beaucoup de plaisir. Jacques Puisais (le fondateur des classes du goût) leur disait « si vous vous contentez d’avaler, vous ne pourrez pas savourer. »

 

Propos recueillis par Colombine Denis.

    

*néophobie : peur et rejet de l’aliment nouveau.

 

Par Patrick Mac Leod, Président de l’Institut du Goût

 

 



22/09/2010
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