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Revue de presse : Article dans La Tribune du 18/12/2010 : En France, l'école souffre d'un manque de régulation

La France a mal à son école, comme l'a encore démontré l'enquête Pisa 2009. Notre système éducatif manque de mixité et a besoin d'un système d'évaluation et de pilotage par les résultats.

Les résultats de l'enquête Pisa 2009 sont formels : une fois de plus, les élèves français s'avèrent moyens, et leurs performances, par ailleurs en légère baisse, marquées par de fortes inégalités sociales. Même si comparaison n'est pas raison, les comparaisons internationales mettent en relief les racines, souvent anciennes, de ce bilan peu glorieux. Chez nous, la présence d'un « noyau dur » d'élèves faibles est un vieux problème auquel on a longtemps refusé de s'attaquer spécifiquement au nom de l'égalité de « traitement » de tous. Aujourd'hui, le soutien individualisé et la discrimination positive ont droit de cité, mais de manière peu affirmée et peu ciblée ; ainsi, alors qu'en zone prioritaire, la taille des classes est réduite de 2 élèves, on sait qu'avec un public très défavorisé, ce n'est pas assez. On sait aussi que les enfants entrent à l'école déjà inégaux ; mais on rechigne à intervenir très tôt dans les familles, sans doute pour ne pas les « stigmatiser » ; alors que nombre de pays prévoient des « programmes d'éducation parentale » ou des modes de garde de qualité, nous laissons s'effondrer le taux d'accueil en maternelle à 2 ans et tentons sans grande efficacité et à coût bien plus élevé de rattraper ces difficultés plus tard.

Mais l'école primaire, où se construisent pourtant les fondements de la « société de la connaissance », mobilise peu. Dès 2008, le ministère de l'Éducation montrait dans une étude que le niveau des élèves au sortir du primaire baisse depuis vingt ans, surtout chez les plus faibles, d'où une hausse des inégalités précoces que l'école ne comble jamais. Or si le niveau des jeunes Français de 15 ans est médiocre, c'est précisément du fait de ces fortes inégalités : nos bons élèves sont très bons, ce sont les faibles, nombreux, qui tirent vers le bas le niveau moyen. Les pays dont les élèves de 15 ans sont les plus performants sont ceux qui ont su égaliser les acquis : au stade de la scolarité commune, il n'y a pas d'arbitrage entre efficacité et équité.

 

Au niveau du collège, encore débattu aujourd'hui dans notre pays, les comparaisons montrent que les inégalités sociales sont bien plus fortes dans les pays ayant conservé des filières distinctes. Mais malgré son unicité formelle, le collège fonctionne très souvent avec des classes de niveau, qui accroissent les inégalités car regrouper les élèves faibles entre eux s'avère très peu efficace (de même que cette spécificité hexagonale qu'est le redoublement). La ségrégation des établissements vient redoubler ces inégalités ; là encore, les comparaisons sont formelles : égaliser la qualité de l'offre scolaire et mixer les publics est un gage d'efficacité et d'équité. La suppression de la carte scolaire, et l'accentuation corollaire de la ségrégation des établissements, est à cet égard très dommageable.

 

Cela l'est d'autant plus que notre système éducatif se caractérise par son niveau très lâche de régulation : au-delà des mots, l'évaluation et le pilotage par les résultats sont peu entrés dans les moeurs. Qui définit clairement des priorités et des objectifs ? Qui suit précisément les performances des établissements et qu'en fait-on ? Ce serait miraculeux que spontanément ou au seul vu des textes le système s'améliore !

 

Enfin, les comparaisons montrent qu'une forte emprise des diplômes sur la vie professionnelle va de pair avec un niveau élevé d'inégalités sociales à l'école ; parce que cela durcit la concurrence scolaire et qu'à ce jeu, ce sont les mieux dotés qui gagnent. Cette méritocratie scolaire que nous brandissons comme un idéal, la compétition qu'elle entraîne dès les petites classes (compétition légitime plus tard, mais qui pervertit la formation de base) se retournent en fait contre la justice et contre l'efficacité : les élèves cherchent à se classer plus qu'à apprendre.

 

Bien sûr, on ne saurait tirer de leçons mécaniques des enquêtes Pisa, dont les résultats peuvent faire l'objet d'interprétations divergentes : si la Corée est si performante, un syndicaliste dira que c'est parce que les enseignants y sont mieux payés, et l'OCDE invoquera l'autonomie des établissements ! Il reste que certains pays, et pas nécessairement ceux dont les systèmes sont les plus coûteux, ont réussi à améliorer le niveau de leurs élèves ; c'est en soi un message stimulant !

 

Marie Duru-Bellat, chercheur à Sciences po


20/12/2010
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