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Article sur www.grainedecurieux.fr le 01/09/2010 : Notre école maternelle en danger ?

L’école maternelle est perçue comme une exception française et initie le passage de l’enfant dans la culture scolaire. Depuis 1886, la maternelle est gratuite pour les 2-6 ans. Ainsi le principe d’égalité des chances a été institué très tôt en France. Alors que dans de nombreux pays, cette scolarisation est payante. Mais aujourd’hui, la maternelle est plus que jamais en danger. De nouveaux modes de garderies préscolaires voient le jour et d’autres menaces planent.

 

Quels sont les principes et les spécificités de l'école maternelle française ? 

  

L’École maternelle a eu en France pour fonction, par étapes progressives depuis le XIXe siècle et de façon inédite par rapport à de nombreux pays, d’encadrer de façon pédagogique la petite enfance (les 2 / 6 ans). Elle repose sur la nomination de personnels permanents à temps complet, adaptés à leur public, spécialement formés, travaillant en équipe. Les professeurs des écoles peuvent intervenir en maternelle et en primaire et l’enseignement se fait donc dans un esprit de continuité dans le cadre de trois cycles dont la maternelle est le socle (cycle des apprentissages premiers : petite et moyenne section, cycle des apprentissages fondamentaux : grande section de maternelle au CE1, cycle des approfondissements : CE2 au CM2). Du fait de sa gratuité et de la qualité de sa prise en charge, la maternelle bénéficie d’une image très positive auprès du public : elle n’est pas obligatoire, cependant près de 98 % des enfants de 3 ans la fréquentent ! À l’étranger, notamment dans les pays anglo-saxons, il existe des jardins d’enfants. Ils emploient des personnels avec des formations très diverses, voire pas de qualification. L’objectif, comme celui de la maternelle, est l’épanouissement de l’enfant, mais l’aspect éducatif et pédagogique ne sont pas au centre de la démarche.

  

Pouvez-vous justement préciser quels sont les objectifs de l'école maternelle ? Y-a-t-il des impératifs de programme comme en primaire ?


 

Les premiers objectifs de l’école maternelle sont le développement du langage, la socialisation et son complément, l’autonomie. La découverte du corps et du monde ; percevoir, sentir, imaginer et créer donnent lieu à des activités qui visent l’épanouissement de l’enfant et préparent les apprentissages futurs. Du langage oral à la découverte de l’écrit, l’enfant s’initie à l’écriture et la lecture, par un travail sur les signes, les sons, les images, les langues, le chant, les instruments des musiques du monde… Observer, poser des questions, comparer, trier, expérimenter constituent la base des activités scientifiques et mathématiques.

 

Quelle place occupe le jeu en maternelle ?

 

Le « jeu », activité parmi d’autres, est un élément d’intériorisation de ces mécanismes, mais essentiel à cet âge. Dans les années 70 et 80 l’école maternelle française était à la pointe de la recherche, favorisant la créativité et la non directivité pour permettre un épanouissement optimal de l’enfant. Depuis, les programmes ont précisé les objectifs et des évaluations donnent une image codifiée des compétences acquises, ce qui est prématuré à cet âge. Pour combattre l’échec scolaire, et plus particulièrement le redoublement du cours préparatoire, les directives actuelles imposent en maternelle un rythme qui n’est pas assez individualisé et ne respecte pas toujours le besoin de jeu. L’obligation de résultat chiffré qui caractérise notre civilisation actuelle est dommageable à l’ensemble de l’Éducation nationale de la maternelle à l’université où le quantitatif a le pas sur le qualitatif et où le général nuit souvent à l’individuel.

 

Dans quelle mesure, « cette école maternelle » est-elle aujourd’hui menacée de disparition ?


L’école maternelle reste menacée à plusieurs niveaux, par le déploiement d’une politique fondée sur une idéologie libérale, gestionnaire et néo-darwinienne, profondément inégalitaire sur plusieurs plans. La menace porte d’une part sur l’ensemble de la petite enfance où les textes récents prônent des normes plus basses sur le plan qualitatif : formation raccourcie et taux d’encadrement plus élevé, voir les revendications de « Pas de bébé à la consigne ». D’autre part la volonté gouvernementale de réduction du nombre de fonctionnaires pour soit disant assainir le budget, risque de frapper de front l’école maternelle : l’accueil des 2-3 ans est d’ores est déjà menacé puisque ces enfants ne sont pas comptabilisés dans l’effectif des écoles et font les frais d’une politique systématique de fermeture de classe. Cette menace est d’autant plus grave que seule l’école maternelle est gratuite et qu’elle couvre l’ensemble du territoire. Son remplacement par des « jardins d’éveil » payants*, surtout urbains, économiquement sélectifs et inégalement répartis dans l’espace français, serait une atteinte à ses objectifs pédagogiques fondamentaux et un abandon complet d’un dispositif performant et économique, au moindre coût.

 

* créés en 2009 par Nadine Morano.

 

Propos recueillis par Marie Blanchardon.



01/09/2010
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