Revue de presse : Article dans L'Express du 12/05/2010 : La Cour des comptes accable le système scolaire
Un rapport de la Cour des comptes sur l'Education nationale dénonce un système sclérosé, incapable de mener les moins favorisés à la réussite, coûteux et peu efficace.
Et pan! Un nouveau coup sur la tête de l'école. Quelques jours après les conclusions de l'Institut Montaigne sur l'école primaire, qui établissaient que le système français produisait 20 % d'élèves en échec scolaire, un nouveau document enfonce le clou. En 200 pages, "L'Education nationale face à l'objectif de la réussire de tous les élèves", passionnant rapport de la Cour des comptes, pointe tous les dysfonctionnements de l'école publique. Les auditeurs ont travaillé durant deux ans, dans 60 établissements de six académies (Aix-Marseille, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Orléans-Tours, Montpellier, Paris et Versailles). Le constat est cruel.
L'impact de l'origine sociale
La France est ainsi le pays de l'OCDE où le retard scolaire à 15 ans est le plus important : dix fois plus qu'au Japon, en Grande-Bretagne, en Australie ou en Suède. Un jeune sur cinq ne maîtrise pas les compétences de base en lecture à l'issue de sa scolarité.
Pire, ce mauvais résultat va en s'aggravant : selon les tests PISA de l'OCDE, cette proportion est passée de 15% en 2000 à près de 22% en 2006... Résultat, un jeune sur six quitte le système scolaire sans aucun diplôme. Le taux de diplômés ayant au moins une licence n'est que de 24%, contre 41% en Norvège, 35% aux Pays-Bas ou 34% en Corée du Sud...
La France est enfin le pays où l'impact de l'origine sociale sur les résultats des élèves est le plus grand : le double de celui du Japon ou du Canada. "Bientôt, la France sera au niveau du Mexique !", confie en riant jaune un observateur présent à la conférence de presse, ce mercredi.
Ces chiffres sont déjà connus. Mais, mis en lumière par la Cour des Comptes et notamment par son premier président, Didier Migaud, l'un des "pères" de la LOLF avec Alain Lambert, ils prennent une couleur particulière. Car les moyens ne seraient pas en cause dans cette bérézina. Avec 3,9% de son PIB dépensé dans l'enseignement, la France se situe dans la moyenne des pays de l'OCDE...
Repenser la gestion d'ensemble
Le responsable désigné par Didier Migaud est bien... l'institution elle-même. En cause, son organisation archaïque -les décrets qui organisent les activités des enseignants du second degré datent de 1950...- et son obsession de vouloir tout centraliser. "Il n'y a pas de fatalité française, il y a en revanche une mauvaise organisation de l'école", indique le document. Qui poursuit : "Il faut repenser la gestion d'ensemble du système scolaire, de l'administration centrale aux équipes éducatives, en l'adaptant à l'hétérogénéité des élèves."
Introduire des éléments de différenciation en donnant plus d'automonie aux établissements, en adaptant les politiques selon les zones géographiques et la composition sociale des écoles, collèges et lycées ; densifier le soutien scolaire (qui ne touche pour l'heure que 9% des élèves et 16% dans les zones ambitions réussite) ; repenser les affectations des jeunes profs, envoyés massivement dans les endroits les plus difficiles ; mieux évaluer les politiques éducatives ; oser s'interroger sur le service effectif des enseignants, souvent inférieur à la durée légale de 36 semaines, en raison notamment de l'organisation d'examens dans les établissements : les propositions de la Cour des comptes sont intéressantes.
Sont-elles réalistes ? Là n'est pas la question pour l'instance, qui se "contente" de se pencher sur l'efficience du "Mammouth". Mais ce mercredi, les "coupables" désignés n'étaient pas, pour une fois, les syndicats ou les enseignants, mais bien le ministère lui-même. "Nous avons le sentiment d'un décalage entre un discours central prudent et une très grande vitalité des acteurs locaux, a ainsi lancé Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes. Le système tel qu'il est apparaît infantilisant et ne pousse pas à la prise d'initiative, alors que nous avons senti un grand dynamisme sur le terrain." La balle est donc dans le camp de la rue de Bellechasse. Luc Chatel appréciera.
par Laurence Debril
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