ALPE74140

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Revue de presse : Article dans Le Dauphiné du 30/07/2011 : Accès aux cantines : chaque commune a son propre règlement

Thonon-les-Bains

 

Jean Denais persiste et signe. Le maire de Thonon maintient le règlement intérieur de ses cantines scolaires. Le sujet a été abordé pour la première fois après la déferlante médiatique, mercredi, en marge de l'ordre de jour du conseil municipal thononais. Sans surprise, le maire campe sur ses positions : le règlement adopté en avril dernier qui restreint l'accès aux enfants de chômeur(s) ne sera ni modifié, ni retiré comme le demandait Christiane Albertini, conseillère PS.

 

"Nous conduirons ce dossier devant le tribunal administratif de Grenoble"

Outre l'aspect "discriminatoire" de la mesure, cette dernière a pointé une possible action en justice qui "nuirait forcément aux intérêts de la commune". Mais à ces arguments, le maire est resté sourd. "Personne au conseil municipal ne s'est opposé à l'adoption de ce règlement, ni les parents d'élèves, ni les usagers, ni surtout le contrôle de légalité de la préfecture n'ont trouvé de motif à intenter le mindre recours", défend-il.

C'est juste, aucun élu n'a, lors de sa discussion, vote contre le règlement. Seuls les élus de gauche s'étaient abstenus. En revanche, si Jean Denais se targuait mercredi d'avoir reçu l'approbation tacite du comité consultatif de restauration scolaire, l'argument est violemment démenti par un parent d'élève. Présente à ce comité le 7 avril dernier, Emmanuelle Brunet, affiliée à la FCPE, assurait à la sortie du conseil mercredi qu'"affirmer que les parents d'élèves ne sont pas opposés est faux". "Le maire fait état d'un compte rendu que nous n'avons jamais reçu ! Il n'y a eu ni avis, ni vote et s'il est vrai qu'il n'y a pas eu de réactions virulentes des parents présents, nous nous sommes par contre étonnés de cette nouvelle règle qui ne nous semblait pas très juste", rectifie Emmanuelle Brunet.

Sur le fond, la majorité défend quoi qu'il en soit un système qui ne peut plus absorber la demande, en particulier "le pic de fréquentation de confort" du jeudi, jour de marché. De source municipale, en 2010-2011, 644 repas ont été servis en moyenne les lundis, mardis et vendredis, contre 679 le jeudi, jour de marché. Soit un différentiel moyen de 35 enfants. De même source, 1360 enfants étaient accueillis sans aucune restriction en 2006. A la rentrée prochaine, ils ne seront plus que 1156, enfants de chômeurs et d'inactifs inclus.

Quelles suites ? Jean Denais en appelle à des "clarifications au niveau national", postulant que si l'Etat souhaite un service de restauration universel, il doit le rendre "obligatoire" et par conséquent organiser ses modalités d'accès et son financement. Denais a saisi à cette fin l'association des maires de France (AMF) et plusieurs parlementaires.

Pour la FCPE, les suites à donner sont tout aussi claires : "Nous conduirons ce dossier devant le tribunal administratif de Grenoble", confiait mercredi soir Cécile Laruaz, représentante locale de la FCPE.

Reste toutefois à trouver un parent d'élève pour l'incarner, la famille, qui la première a dénoncé ces restrictions d'accès, se refusant à le faire. "Compte tenu des différentes récupérations de ce problème", le père de famille renvoie la balle sur les associations de parents d'élèves et les politiques. A eux, selon lui, de proposer "une solution alternative au "tri"".

 

Virginie BORLET

 

Repères :

Règlement intérieur : A Thonon, l'accès aux restaurants scolaires est réservé en priorité aux enfants dont "le ou les parents exercent une activité professionnelle". En cas de perte d'emploi, l'accès au service est maintenu pendant un mois. Pour le ou les parents chômeurs, "un planning sur justificatif est établi dans la limite des places disponibles." 10% des places peuvent également être réservées aux familles ne relevant d'aucun des deux critères, mais qui sont prises en charge par les services sociaux.

Les enfants de chômeur(s) écartés depuis avril : si ces restrictions d'accès ont été instaurées en 2008, à l'époque les enfants de chômeur(s) bénéficiaient d'un accès de plein droit, au même titre que les enfants d'actifs. C'est en avril que les enfants de demandeurs d'emploisont mis sur a touche et basculent dans un régime dérogatoire. Le parent chômeur devra ainsi dès la rentrée fournir un justificatif de présence à une formation ou à un entretien d'embauche.

En chiffres : selon les services municipaux thononais, pour 80% des demi-pensionnaires du primaire, les deux parents sont en activité. 16% seraient concernés par le chômage de l'un de leurs deux parents. Le service accueille 1% d'enfants de familles envoyées par les services sociaux et 3% de cas "exceptionnels".

 

Dans le Chablais, Douvaine restreint aussi ses accès, d'autres ont trouvé des alternatives


Sensiblement soumises aux mêmes fluctuations démographiques que Thonon, comment les autres communes chablaisiennes (nous nous sommes intéressés aux seules communes de plus de 3500 habitants) gèrent-elles leur cantine ?

A Allinges, la municipalité se heurte elle aussi à la surcharge du service. La solution ? "Nous avons répondu de deux façons, d'abord en organisant trois services et deuxièmement par la création d'une garderie jusqu'à 12h30", explique le maire, Jean-Pierre Fillion. L'avantage de cette dernière est jugé double : "Cela nous arrange car la garderie contribue à la baisse des effectifs de la cantine et cela arrange les parents qui sont ravis de pouvoir déjeuner avec leur enfant, c'est gagnant-gagnat." Pour répondre à la saturation de manière plus pérenne, l'agrandissement du groupe scolaire est à l'étude.

"Notre règlement est plus policé, il n'y a pas de stigmatisation"

A Bons-en-Chablais, ce n'est pas pour régler un problème de surcharge, mais pour répondre à un déficit chronique que la municipalité a instauré une tarification au quotient familial, portant le repas à 7,70 € pour la tranche de revenus la plus haute. Pas aussi controversée que la mesure thononaise, la nouvelle grille a tout de même suscité sont lot de critiques. "Cela a quasiment été perçu comme une "chasse" aux frontaliers car la grosse majorité d'entre eux se retrouvent dans les tranches les plus hautes. C'est un fait, mais ils n'étaient pas du tout visés", constate Jean-Paul Roch, maire.

La ville de Douvaine, en revanche, a, à l'instar de Thonon, opté pour un accès restrictif depuis 2008. "Pour des raisons de place et de fonctionnement", justifie le maire Jean-François Baud, qui accueille environ 200 enfants. Des enfants "dont les deux parents travaillent", justificatif à la clé. Baud tient cependant à se distancier de Thonon en arguant du fait que "le terme de demandeur d'emploi n'apparait pas. Notre règlement est plus policé, il n'y a pas de stigmatisation". Porté devant le tribunal administratif, il aurait pourtant de grandes chances d'être retoqué. Le maire assure que la restriction n'est que transitoire, un second groupe scolaire devant ouvrir en 2012.

A Sciez, Publier ou Evian, aucune restriction. "C'est un choix idéologique maintenu depuis la création du service en 1970", défend Jean-François Blum, directeur du foyer culturel, où 350 enfants sont actuellement accueillis sur 560 enfants scolarisés.

Même parti pris à Evian, où le député-maire Marc Francina estime inconcevable "de refuser de donner à manger à un gamin".

 

Quel régime dans le reste de la région ?

 

Autour d'Annecy

A Poisy, les enfants inscrits régulièrement à l'école publique sont admis aux restaurants scolaires et la priorité est donnée aux enfants dont les deux parents exercent une activité professionnelle ou issus d'une famille monoparentale dont le parent travaille. Il en va de même pour les villes de Metz-Tessy et Seyssel, dans laquelle les parents actifs sont prioritaires.

Dans le Mont-Blanc

A Megève, le restaurant est ouvert aux élèves scolarisés sur la commune, de la maternelle au collège inclus, pour les enfants des établissements publics et privés. En maternelle, seuls les enfants de 3 ans révolus peuvent accéder au service de restauration.

A Passy, en raison de l'effectif important et de la capacité d'accueil des locaux actuels, seules les familles dont les deux parents travaillent pourront inscrire leurs enfants au restaurant scolaire.

A Sallanches, pour l'instant, la taille du restaurant scolaire permet d'accueillir tous les enfants, mais si jamais la situation venait à changer, la commune restreindrait l'accès aux enfants dont les deux parents travaillent.

A Saint-Gervais, les enfants sont admis dans la limite des places autorisées. Sont prioritaires : les enfants domiciliés sur la commune de Saint-Gervais, les enfants dont les deux parents ou le parent (cas de famille monoparentale) travaillent, les enfants qui fréquentent régulièrement le service de restauration.

Pour Chamonix, aucune restriction sur la cantine. Seul l'accueil périscolaire donne priorité, en cas de trop nombreuses demandes, aux familles dont les deux parents travaillent. Servoz, les Houches et Vallorcine sont de petites communes, donc pas de problème de restrictions?

Dans le Genevois

La plupart des villes acceptent les enfants dans la limite des places disponibles, c'est-à-dire que le règlement intérieur stipule que "la priorité est donnée aux enfants dont les deux parents travaillent". C'est le cas à Annemasse, Saint-Julien-en-Genevois, Reignier-Esery, Ville-la-Grand, Cranves-Sales, Vétraz-Monthoux, où l'on parle de "discussion au cas par cas".

A Annemasse, une commission se réunit régulièrement pour statuer des demandes en fonction des situations sociales (la recherche active d'emploi entraîne l'acceptation de l'enfant).

Dans le Pays bellegardien

Que ce soit Bellegarde, Châtillon-en-Michaille, Confort, Injoux-Génissiat ou Montanges, les écoles n'ont pas de problème de places dans leurs cantines scolaires. Du coup, il n'y a aucune restriction.

Dans le Pays de Gex

Manque de places dans les cantines oblige, la plupart des villes accueillent en priorité les enfants dont les deux parents travaillent ou les familles monoparentales. C'est le cas à Divonne-les-Bains, Versonnex, Ferney-Voltaire, Saint-Genis-Pouilly ou encore Prévessin-Moëns, où les trois écoles passeront même à la rentrée à deux services tous les midis pour répondre à la demande. Gex, Thoiry et Cessy n'appliquent cependant aucune restriction cette année, mais certaines communes comme Cessy n'excluent pas de limiter l'accès d'ici un an, si la demande reste croissante.

 

Trois questions à Philippe Laurent, Vice-président de l'association des maires de France (AMF) et maire DVD de Sceaux.

"Sur le plan juridique, la mesure de Thonon n'est pas tenable".

La surcharge des cantines scolaires semble largement dépasser le cadre de Thonon. Quel constat dressez-vous ?

"Il y a une augmentation permanente depuis vingt ans. Aujourd'hui, en région parisienne, ce sont environ les trois-quarts des enfants qui sont demi-pensionnaires. Cela s'explique par l'application de tarifs en fonction des revenus, donc une certaine attractivité au niveau du coût, et par le développement d'activités durant cette pause méridienne. [...] La réflexion actuellement menée sur le rythme scolaire va aussi poser cette question-là. Car à partir du moment, où la pause de midi est de 1h30 et non plus de 2h, cela devient vraiment juste pour un retour au domicile. Cette réduction de la pause méridienne devrait donc encore accentuer la hausse des effectifs".

Au regard de la jurisprudence administrative, restriction d'accès et respect du principe d'égalité sont-ils compatibles ?

"Non, ce n'est pas tenable. Sur le plan juridique, on ne peut pas justifier la non-inscription à la cantine par rapport à la situation des parents. [...] Les analyses des juristes de l'AMF qui sont saisis de temps en temps sur ces questions montrent que ce n'est pas opérant comme système. Dès lors qu'il y a une contestation devant le tribunal, je pense que ça ne tient pas."

Faut-il, comme le propose le maire de Thonon, légiférer pour rendre la restauration scolaire obligatoire et du coup exiger de l'Etat de nouveaux moyens ?

"Cette proposition n'a aucune chance de prospérer, notamment pour des raisons financières. L'AMF ne peut pas par ailleurs être favorable à cette idée car on ne peut pas lutter contre la prolifération des normes, défendre la libre administration des collectivités territoriales et demander dans le même temps à l'Etat de nomaliser la restauration scolaire !

Nous à Sceaux, nous avons toujours fait en sorte d'accepter tout le monde, quitte à agrandir les équipements, faire plusieurs services et rémunérer les directeurs d'école durant le temps de midi pour qu'ils soient eux-mêmes organisateurs de cette pause méridienne. Car on ne peut pas envisager, comme le maire de Thonon, de restreindre l'accès à la cantine. Pour autant, je ne le juge pas, à chacun sa conception de l'intérêt général."



03/08/2011
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