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Revue de presse : Article dans Le Figaro du 22/03/2011 : Boris Cyrulnik alerte sur le suicide des enfants

Deuxième cause de décès chez les moins de 15 ans, le nombre des passages à l'acte serait largement sous-estimé selon le célèbre neuropsychiatre. 

En janvier, une fillette de 9 ans, diabétique, se jetait du cinquième étage de son immeuble dans la banlieue de Lyon. Sur un bout de papier, elle avait écrit quelques mots : «Je me suis tuée à cause de nounou, qui se mêle des affaires de tout le monde.» Quelques semaines plus tard, un enfant de 11 ans se pendait, en Seine-Saint-Denis, après avoir reçu un avertissement scolaire. Inconcevables, les suicides d'enfants conservent plus que les autres leur mystère. Ils ont fait l'objet de peu d'études jusqu'à présent. «Alors que de nombreux travaux scientifiques ont été menés sur les suicides des adultes, les données sont très imprécises s'agissant des plus jeunes», souligne Boris Cyrulnik. Chargé par Jeanette Bougrab, secrétaire d'État à la Jeunesse, de se pencher sur ce sujet, le célèbre neuropsychiatre a formulé hier ses premières pistes de réflexion.

 

Le suicide est la deuxième cause de décès chez les adolescents. Les passages à l'acte demeurent exceptionnels chez les moins de 15 ans (entre 30 et 100 chaque année), mais leur nombre serait largement sous-estimé, selon Boris Cyrulnik : «Les comportements à risque enfantins, tels que le jeu de se pencher par la fenêtre ou de se faire frôler par les voitures, cachent des tentations suicidaires. Les adultes préfèrent souvent y voir des accidents, parce que l'idée du suicide d'un enfant est insupportable». Les filles tentent de mettre fin à leur vie plus souvent que les garçons, mais ces derniers y parviennent plus souvent.  

Une multitude de signes prédictifs

Qu'est-ce qui pousse un enfant à se donner la mort ? «Il existe des facteurs de vulnérabilité, comme les carences affectives très précoces ou une solitude au moment du passage à l'acte», souligne Boris Cyrulnik. Il suffit alors d'un petit détonateur - un mot dans un carnet scolaire, une dispute avec un proche - pour déclencher une réaction extrême, souvent très violente. A contrario, un petit geste, une parole peuvent détourner l'enfant de sa tentation. «Un enfant n'a pas une conception de la mort comparable à celle d'un adolescent ou d'un adulte, indique le psychiatre. Mourir, ça signifie simplement pour lui mettre fin à la situation qui rend malheureux.»

 

Le rapport final du psychiatre sera publié aux éditions Odile Jacob à la rentrée scolaire. «Il nous semblait important que ce travail serve à tous ceux qui entourent les enfants - les familles, les équipes éducatives et même les associations, souligne Jeannette Bougrab. Il faut absolument oser aborder ce sujet, sans culpabiliser les proches». Il existe une multitude de signes prédictifs, qui sont souvent mal interprétés par les parents. C'est un bon élève qui se désintéresse soudain de l'école, un adolescent sociable qui se met à s'isoler dans sa chambre ou un garçon au tempérament d'ordinaire calme qui «explose». «Chez les enfants, le passage à l'acte est très impulsif, ce qui rend sa prévention particulièrement difficile», remarque toutefois Boris Cyrulnik.

Une attention particulière dès les premiers mois de la vie 

Plusieurs leviers d'actions sont identifiés. Le psychiatre recommande en premier lieu à la société de porter une attention particulière aux mères durant les dernières semaines de grossesse, puis au cours des dix premiers mois de vie de leur nouveau-né. «La neuro-imagerie a permis de voir les dégâts cérébraux que provoquent les carences affectives précoces : atrophie de certaines zones cérébrales, modification des circuits profonds des émotions et de la mémoire», détaille-t-il. Une formation poussée des métiers de la petite enfance, à l'instar des politiques mises en place en Finlande ou au Québec, permettrait d'assurer la stabilité indispensable à une construction sécurisante de l'enfant.

 

L'école devrait également être «moins stressante», selon le psychiatre, qui attend beaucoup de la réforme des rythmes scolaires : «De nombreux enfants développent des troubles psychiques en raison de leurs résultats scolaires ou d'une pression trop forte de leurs parents.»

 

Par Delphine Chayet



23/03/2011
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