Revue de presse : Article dans Le Figaro du 25/10/2010 : Polémique autour de la possible disparition des notes
L'arrivée de l'évaluation par compétences suscite des remous. Chez les enseignants et les parents.
Dans quelques années, les élèves ne seront peut-être plus évalués grâce à des notes chiffrées mais avec des smileys, ces petites têtes jaunes populaires sur Internet qui sourient, pleurent ou clignent de l'œil. Sans aller jusqu'à cette caricature qui existe néanmoins dans certaines écoles primaires, les habituels zéro ou dix en dictée sont en passe d'être remplacés par une évaluation par «compétences». Déjà répandue dans la majorité des écoles, cette évaluation détaillée dans un «livret de compétences» comporte des dizaines d'items, considérés comme «acquis», «pas acquis» ou «en cours d'acquisition» par l'enseignant. Il s'agit par exemple de savoir si l'élève «reconnaît le présent du futur», résout des «problèmes de longueur et de masse » ou «est sensible aux enjeux esthétiques d'un texte littéraire».
«C'est une révolution silencieuse», explique Jean-Michel Blanquer, le directeur général de l'enseignement scolaire, au ministère. Cette année, tous les collégiens de troisième sont censés être évalués de cette façon. C'est pourtant loin d'être le cas tant la résistance de certains enseignants à cette nouveauté est grande. Ils déplorent «le jargon» de certains items et le manque de précision de l'évaluation. «Je ne vois pas en quoi les mauvaises notes traumatisent les élèves, elles peuvent au contraire leur donner un coup de fouet et les motiver, détaille Joséphine Truil, professeure de physique en région parisienne. Le problème avec l'abandon des notes, c'est que les parents ne savent plus comment situer leur enfant. Certains pensent qu'il est très fort en sciences, alors que les compétences principales du carnet ne sont pas validées.»
Le système demande en revanche «trois fois plus de temps en correction». Autre écueil pour les enseignants, la mise en place des fameux «carnets» impose des réunions «incessantes» pour que tous se mettent d'accord sur la signification des items et les valident ensuite ensemble. Il n'est plus possible de remplir chacun sa moyenne trimestrielle de son côté. «Déroutée au départ», Stéphanie, professeur de lettres, à Nice, reconnaît néanmoins que certains élèves se sentent «plus encouragés et valorisés. Ils progressent, car ils savent après chaque évaluation quelle est la compétence à retravailler. Pour eux, c'est plus précis qu'une note». Ils ont aussi «arrêté de se focaliser sur le demi-point qui leur manquait et qui me faisait perdre un temps précieux».
Différents d'une école à l'autre
Mis à part le Sgen et l'Unsa, les syndicats d'enseignants sont sceptiques. «On demande au ministre de suspendre l'instauration de ce machin », s'exclame Roland Hubert, responsable de la pédagogie au Snes, principal syndicat des enseignants du secondaire, qui recommande à ces derniers de boycotter les évaluations : «Comment voulez-vous, par exemple, évaluer des compétences sur le savoir-être ? Cela n'a aucun intérêt. Les carnets sont par ailleurs différents d'une école à l'autre, d'un collège à l'autre, comment les comparer ?»
Certes, l'OCDE et l'Union européenne recommandent une telle évaluation. Et nombre de pays se sont engagés sur cette voie. Mais si ce système par «compétences » fonctionne bien en Finlande, tel n'est pas le cas du Québec ou de la Suisse. Selon un rapport de l'inspection générale datant de 2007, «la suppression du mode traditionnel d'évaluation dans ces pays a suscité des réactions fortes, aussi bien chez les parents, les enseignants que chez les simples citoyens ; réactions qui traduisent tout à la fois le sentiment de ne plus comprendre les objectifs de l'école, de ne plus maîtriser les attentes de l'institution envers les enfants, et la crainte de voir vaciller un ensemble qui sert de repère solide à toute une société».
Jean-Michel Blanquer balaye ces objections car «les phases d'adaptation sont toujours longues dans l'éducation nationale», rappelle-t-il, «nous souhaitons simplement une approche de l'évaluation plus constructive et individualisée qu'aujourd'hui. L'approche n'est pas moins exigeante et nous ne voulons pas la mort des notes, elles sont complémentaires».
Par Marie-Estelle Pech
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