Revue de presse : Article dans Le Figaro du 26/12/2011 : Trop d'enfants traités contre l'hyperactivité
Ritaline, ce mot résonne comme une bénédiction pour des milliers de parents en France. Il s'agit en fait du méthylphénidate, traitement de référence des troubles de l'attention et de l'hyperactivité dès l'âge de 6 ans. Mais la molécule n'est pas seulement utilisée chez l'enfant, de plus en plus d'adultes y ont également recours. Il s'agit d'un psychostimulant proche des amphétamines.
Pourtant, depuis 2005, un doute planait sur sa sécurité cardio-vasculaire. Plusieurs cas d'arrêt cardiaque avaient été signalés outre-Atlantique chez de jeunes hyperactifs traités par amphétamines. Le Canada avait aussitôt décidé d'en suspendre la commercialisation avant de revenir sur sa décision, compte tenu du fait que toutes les personnes décédées présentaient en fait des problèmes cardiaques susceptibles d'expliquer ces accidents. Quoi qu'il en soit, le doute a subsisté pendant toutes ces années. À ce titre, deux études récentes sur des enfants et des adultes et plutôt rassurantes sur ce point sont les bienvenues pour la communauté médicale et les familles. Ces travaux ne justifient pas pour autant des prescriptions jugées excessives par un certain nombre de médecins.
Contractions musculaires
La première, publiée il y a un mois dans le NEJM, a porté sur plus de 1,2 million d'enfants agés de 2 à 24 ans et la seconde, datant du 12 décembre, est parue dans le Journal of American Medical Association (Jama) et porte sur 450 000 adultes de 25 à 64 ans. Elles ne montrent aucune association entre la prise de ces traitements contre les troubles de l'attention et l'hyperactivité et la survenue d'arrêts cardiaques, infarctus du myocarde ou encore accidents vasculaires cérébraux. Des résultats assez positifs qui ne lèvent pas la prudence des auteurs. Selon eux, ces observations n'excluent pas un risque non décelé dans ce cadre, notamment en raison d'un suivi moyen des adultes assez court (1,3 an en moyenne) et avec des durées de traitement restreintes. En outre, la rareté des événements cardio-vasculaires chez les enfants doit inciter à interpréter ces résultats avec prudence. Parmi les jeunes individus inclus, il y avait environ 375.000 utilisateurs par année. L'échantillon aurait donc mérité d'être encore plus important.
Ces données sont néanmoins «rassurantes», selon le Dr François Banne, psychiatre libéral à Paris, même si elles ne modifieront pas sa pratique. La Ritaline augmente la concentration de dopamine dans le cerveau. Or, celle-ci accroît les contractions musculaires. À ce titre, le médicament peut provoquer une augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle. « Il est vrai que des enfants se plaignent parfois de tachycardie, précise-t-il. En cas de signe fonctionnel comme celui-ci ou d'antécédents cardiaques, je demande systématiquement une visite chez le cardiologue. Il y a une inquiétude sérieuse autour de la prescription, notamment dans le contexte de l'affaire Mediator. En outre, je recommande à tous les adultes un bilan cardiaque en raison de l'augmentation des facteurs de risques et maladies cardio-vasculaires avec l'âge.» L'Agence européenne du médicament recommande en effet de rechercher des anomalies de la tension artérielle ou de la fréquence cardiaque et de certains troubles psychiatriques chez tous les patients avant la mise sous traitement puis d'assurer une surveillance régulière. Elle rappelle, par ailleurs, qu'il existe un ralentissement de croissance chez les enfants traités sur de longues périodes.
Pour le Pr Maurice Corcos, chef du service de psychiatrie à l'Institut mutualiste Montsouris à Paris, les résultats de ces études sont effectivement rassurants mais ne répondent pas aux inquiétudes actuelles des psychiatres. «Qu'en est-il du développement cérébral, de la croissance physique et affective de l'enfant ?, interroge-t-il. La Ritaline est de plus en plus prescrite à travers le monde à de jeunes enfants et à des adolescents, à des périodes où la formation de nouvelles synapses est très active. Or, cette substance agit directement sur le cerveau et est parfois administrée pendant plusieurs années. Ce n'est pas anodin.»
Il s'inquiète également de l'envolée des prescriptions : «Certaines données de la littérature évoquent des augmentations de la prévalence de l'hyperactivité de plus de 600% en dix ans. Je ne veux pas croire à une épidémie ! Ces chiffres révèlent un surdiagnostic et par conséquent une surprescription de médicaments. Celle-ci doit être adaptée à un contexte clinique précis, en éliminant par exemple des causes d'anxiété ou de dépression.» Les travaux de recherche sur les causes de l'hyperactivité et les excès de diagnostic, sur les meilleures prises en charge et les conséquences des traitements méritent en tout cas d'être poursuivis.
Par Aude Rambaud
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