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Revue de presse : Article dans Le Figaro du 27/03/2016 : Autisme: l'incroyable retard français

L'état des lieux de la prise en charge de ces troubles est accablant pour la France.                 

 

Au premier regard, on se dit que la prise en charge de l'autisme n'est pas si mauvaise en France. Après tout, il y eut un rapport de l'Inserm, des recommandations de bonnes pratiques en 2012, et même un troisième «plan autisme», lancé en 2013. L'enquête menée ces deux dernières années par Florent Chapel, porte-parole du Collectif autisme, avec l'anthropologue Sophie Le Callenec, montre que l'on est loin du compte. Intitulé Autisme, la grande enquête, le livre aurait peut-être dû s'appeler «Les Sacrifiés de la République», tant le tableau brossé par les auteurs est accablant.

 

«D'abord il y a le problème du diagnostic , explique au Figaro Florent Chapel.  Certains parents doivent attendre cinq ou dix ans pour avoir un diagnostic, donc une prise en charge adaptée.» Car s'agissant d'un trouble où les interactions sociales sont perturbées, il y a bien nécessité d'une prise en charge précoce et intensive. Sinon, c'est la régression ! Heureusement, des centres experts, comme ceux du réseau Fondamental mis en place par le Pr Marion Leboyer, ont ouvert la voie à une psychiatrie basée sur la science.

 

Plan autisme

 

À la veille de la Journée mondiale de l'autisme le 2 avril, Ségolène Neuville va-t-elle rompre avec des années d'approximations dans la prise en charge des autistes en France ? La secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion aura sous peu toutes les cartes en main pour faire vraiment bouger la prise en charge de l'autisme en France. Aux rapports qui se sont succédé ces dernières années (Comité national d'éthique, Conseil économique et social, rapport Létard) viendra s'ajouter celui de l'Igas, «dans les toutes prochaines semaines», assure-t-on dans l'entourage de sa ministre de tutelle, Marisol Touraine.

 

Mais a-t-on réellement pris la mesure des besoins ? Florent Chapel ne le pense pas : «Le plan autisme 2013-2017 fait de la scolarisation un objectif prioritaire mais ne prévoit la création que de 700 places supplémentaires en unité d'enseignement en maternelle, soit 175 par an alors que 8 000 enfants autistes naissent chaque année.» Sans parler de l'absence de remboursement des soins éducatifs et comportementaux nécessaires pour les autistes.

 

Anomalies cérébrales

 

Et puis surtout, il reste le problème de fond des fondements psychiatriques et pyschanalytiques de la prise en charge. La prédécesseur de Mme Neuville, en charge du handicap, Marie-Arlette Carlotti, l'avait annoncé : «En France, depuis quarante ans, l'approche psychanalytique est partout, elle concentre tous les moyens. Il est temps de laisser la place à d'autres méthodes pour une raison simple : ce sont celles qui marchent et elles sont recommandées par la Haute Autorité de santé.» Sans la résistance des psychiatres français (lire ci-dessous), les recommandations de la HAS auraient dû faire basculer la situation.

 

Il suffit pourtant d'aller sur le site de l'Inserm où le Pr Catherine Barthélémy, chef de service honoraire du service de pédopsychiatrie au CHU Bretonneau de Tours, l'explique : «L'imagerie médicale a permis de mettre en évidence des anomalies cérébrales chez certains patients, notamment dans les régions du cerveau impliquées dans le langage et la cognition sociale. La biologie moléculaire a quant à elle conduit à l'identification de nombreux gènes dont l'altération semble conduire à une plus grande susceptibilité à l'autisme.»

 

«C'est la loterie»

 

«Le problème, explique Florent Chapel, c'est qu'il reste des grands pontes, la vieille garde prétorienne freudienne, qui sont encore empreints de l'idée qu'il s'agit d'une psychose infantile même s'ils n'osent plus dire que l'autisme est la faute de la mère.» Or, pour les parents qui n'ont pas les ressources nécessaires, il n'y a pas d'autre choix que de laisser leurs enfants dans les centres où la prise en charge est remboursée. Tant pis si les recommandations de la HAS n'y sont pas suivies.

 

«C'est la loterie, si votre enfant est pris en charge dans des centres comme Robert Debré (Paris) ou CHU de Montpellier ça va, mais 80% des CHU sont maltraitants pas par plaisir mais par incompétence», accuse Florent Chapel. Ségolène Neuville l'a confirmé le 23 janvier dernier à Bordeaux, lors du congrès Autisme France, membre du Collectif autisme, «les hôpitaux de jour de pédopsychiatrie feront bien l'objet d'inspections par les Agences régionales de santé en 2016. Au centre de ces inspections, le respect des recommandations, de toutes les recommandations de la HAS (du diagnostic aux interventions)». «Les inspecteurs des ARS auront-ils les compétences pour juger de la validité du jugement clinique à l'appui des pratiques examinées», s'inquiète le syndicat des psychiatres des hôpitaux dans un courrier adressé le 7 mars dernier à la ministre de la Santé. Ambiance !


Les résistances de la psychiatrie française

Lorsque les recommandations de bonne pratique sur la prise en charge de l'autisme et des troubles envahissants du développement ont été édictées en 2012 par la Haute Autorité de santé (HAS), on croyait que les psychiatres français allaient enfin abandonner les chimères de l'approche psychanalytique. Celle-ci était en effet classée comme «non consensuelle», supplantée par les approches éducatives et comportementales.

 

Dans une première version de ses recommandations, la HAS classait d'ailleurs la psychanalyse dans les «interventions non recommandées ou non consensuelles» mais les psychiatres avaient obtenu in extremis la création d'une rubrique distincte, «non consensuelle», comme l'avait révélé Le Figaro (nos éditions du 9 mars 2012). Une concession malheureuse qui assure depuis la survie de cette approche largement disqualifiée dans le reste du monde. En 2010, la HAS observait déjà en analysant les quatre recommandations internationales existantes sur l'autisme, que deux déconseillaient la psychanalyse (Espagne, Nouvelle-Zélande) et les deux autres (États-Unis, Écosse) ne la citaient même plus !

 

 

Par Damien Mascret



29/03/2016
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