Revue de presse : Article dans Le Point du 19/11/2010 : Suppression des notes à l'école : copie à revoir
Un appel pour la suppression des notes à l'école primaire fait grand bruit. En bas de la pétition figurent les inévitables spécialistes de la question scolaire, François Dubet, Richard Descoings, Éric Maurin ou encore Éric Debarbieux. Mais on y trouve aussi des personnalités plus inattendues, le pédopsychiatre Marcel Rufo, le généticien Axel Kahn, l'écrivain Daniel Pennac, ou encore l'ancien premier ministre Michel Rocard. À l'origine de l'appel, l'Afev, une association qui lutte contre l'échec scolaire dans les quartiers populaires. "L'idée n'était pas de recueillir un maximum de signatures, mais d'ouvrir le débat", déclare Eunice Mangano, l'une des responsables de l'association. Car l'Afev estime que la notation traditionnelle, héritée d'une époque où l'école avait pour mission essentielle de sélectionner et former une élite, n'est plus adaptée à la mission de l'école actuelle : maintenir dans un système unique tous les élèves jusqu'à 16 ans, et mener jusqu'à bac+3 la moitié d'une classe d'âge (contre 37 % aujourd'hui).
Mission accomplie : le débat fait rage. En septembre dernier, déjà, un livre a fait sensation. Dans On achève bien les écoliers, le journaliste américain Peter Gumbel, correspondant à Paris pour le Wall street journal, puis le Times ou Fortune, fustigeait une culture scolaire qui "casse les élèves" et repose sur l'idée que réussir suppose un effort pénible. "Toutes les recherches actuelles en pédagogie et en psychologie démontrent l'inverse, affirme le journaliste. Le bien-être et le bonheur favorisent l'apprentissage." Le débat, en France, reste bien difficile à trancher. Le bonheur en question n'est-il pas la récompense de l'effort, auquel cas la question reste entière : comment le provoquer ?
Pourquoi une telle dérive ?
Est-ce pour cette raison que Luc Chatel hier a poliment décliné la suggestion de l'Afev. En marge de la journée mondiale de la philosophie qu'il ouvrait à l'Unesco, Luc Chatel a très cartésiennement suspendu son jugement et refusé de trancher. Il a justifié le système actuel, à l'oeuvre tout au long de la scolarité obligatoire et où coexistent en réalité deux modes d'évaluation : les bonnes vieilles notes, ce système rassurant que tous les parents connaissent et peuvent comprendre, et l'évaluation des compétences, à l'oeuvre officiellement depuis 2005 à l'école primaire, et au collège depuis cette année. Une invraisemblable usine à gaz qui décline en une multitude d'items les requisits de l'école, et les estiment "acquis", "non acquis" ou "en voie d'acquisition". Selon Peter Gumbel, il s'agit d'un "document désespérant (qui) exige des enseignants qu'ils évaluent les élèves sur pas moins de 405 critères différents (...), une bonne idée devenue complètement contre-productive."
Le ministre laisse donc une fois de plus aux enseignants le soin de trancher. En termes nobles, il s'agit de liberté pédagogique. Mais pour qu'une telle liberté s'exerce sans catastrophe, les enseignants devraient être des praticiens formés, capables en toute lucidité de privilégier un système contre un autre, et de mettre en cohérence l'ensemble de leurs pratiques. Faute de formation véritable, cette liberté s'apparente de plus en plus à un abandon. Ce n'est plus du laisser-faire. C'est du débrouillez-vous !
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