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Revue de presse : Article dans Les Echos du 07/06/2010 : L'allégement des rythmes scolaires se heurte à des intérêts divergents

Le ministre de l'Education nationale, Luc Chatel, installe aujourd'hui une conférence qui se penchera pendant près d'un an et « sans tabou » sur l'organisation de la journée, de la semaine et de l'année scolaires.

Tout le monde le reconnaît : les rythmes scolaires en France sont trop lourds et néfastes à l'apprentissage des élèves. L‘année y est l'une des plus courtes en Europe, avec 144 jours de cours, alors que les écoliers passent 864 heures sur les bancs de l'école, contre 634 en Allemagne ! Le ministre de l'Education nationale a décidé de s'attaquer au problème : Luc Chatel installe aujourd'hui une conférence qui se penchera pendant près d'un an et « sans tabou » sur l'organisation de la journée, de la semaine et de l'année scolaires. Un comité de pilotage d'une quinzaine de membres, coprésidé par l'ancien directeur de cabinet de Jack Lang, Christian Forestier, et la directrice générale de l'Education à la Commission européenne, Odile Quintin, sera chargé d‘animer cette conférence en auditionnant toutes les parties prenantes.

Car la question est loin de concerner uniquement les élèves et les enseignants. Toute modification des rythmes scolaires implique des changements importants pour les familles, les collectivités locales, les associations culturelles et sportives et l'industrie du tourisme. « Il faut trouver un équilibre qui soit satisfaisant sans toutefois rêver à une solution qui plairait à tout le monde, car les intérêts sont très forts et peuvent être très divergents sur certains points », reconnaît Thierry Cadart, secrétaire général du SGEN-CFDT, le deuxième syndicat enseignant dans les collèges et lycées. Ce ne sera pas facile tant les attentes ou les craintes varient selon les interlocuteurs.

· Les familles

Les fédérations de parents d'élèves se félicitent du lancement aujourd'hui de la conférence. Mais, à l'heure de découvrir la composition du comité de pilotage, première déception : « Nous n'y sommes pas, alors qu'on a été à l'origine de la demande et qu'on est particulièrement impliqué en tant que parents d'élèves », regrette Christiane Allain, la secrétaire nationale de la FCPE. Cette dernière prône des journées de cinq heures à l'école, six heures au collège et de sept heures au lycée, une pause de midi d'au moins une heure et demie, le passage à neuf voire dix demi-journées de cours et le respect du « 7/2 », c'est-à-dire l'alternance entre sept semaines de cours et deux semaines de repos. « On se bat pour les 35 heures, tandis que nos enfants dans les lycées font des 40-45 heures entre les cours, les options, le travail personnel et les temps de transport », s'insurge Cécile Vignes, secrétaire générale adjointe de la PEEP. L'allégement du calendrier scolaire devra prendre en compte le cas des familles monoparentales (2 millions en France), plus fragiles socialement. « ll faut être attentif à ce qu'elles puissent toujours concilier travail et enfants », prévient Brigitte Mazure, secrétaire générale adjointe de la Fédération syndicale des familles monoparentales. Et se pose aussi la question des gardes partagées.

· Les enseignants

Si les syndicats enseignants approuvent l'idée d'un débat sur les rythmes scolaires impliquant l'ensemble des acteurs, ils n'avancent pas encore de solutions. « On souhaite qu'il y ait une véritable négociation, on ne veut pas mettre en avant ce sur quoi nous serions prêts à avancer avant d'avoir vu ce qui était sur la table », explique ainsi Thierry Cadart. Mais les syndicats ne cachent pas leur inquiétude. « Si le débat sur les rythmes a pour objectif de rechercher des économies budgétaires, ce n'est pas l'enjeu. L'enjeu c'est les rythmes de vie de l'enfant », insiste Christian Chevalier, secrétaire général du SE-Unsa, syndicat réunissant des enseignants de la maternelle au lycée. Et « on n'acceptera pas que les enseignants soient les seuls à faire les efforts nécessaires », prévient-il.

· Les collectivités locales

Les communes et dans une moindre mesure les départements et les régions seraient concernés au premier chef par une modification des rythmes scolaires. Les communes gèrent en effet une large partie des activités parascolaires : cantine, soutien scolaire, équipements sportifs, centres de loisirs… Or, si l'Education nationale allège les journées des écoliers, ceux-ci devront sans doute être davantage pris en charge dans des ateliers de soutien ou des activités culturelles et sportives.

« Le temps périscolaire n'étant pas obligatoire, il faudra mettre en place un dispositif d'accompagnement gratuit pour tous et partout », insiste Gilles Moindrot, secrétaire général du SNUIpp-FSU, premier syndicat dans le primaire.

« Nous sommes favorables à une modification des rythmes, mais cela aura forcément un énorme impact sur l'organisation et cela risque de se traduire par un alourdissement des charges », reconnaît Colombe Brossel, l'adjointe PS à l'éducation à la Mairie de Paris. La capitale emploie quelque 700 professeurs spécialisés (arts…) et dépense au moins 2 millions d'euros pour ses ateliers bleus (étude, soutien scolaire).

L'Association des maires de France, échaudée par l'expérience malheureuse de la suppression du samedi matin, pour laquelle les communes ont dû s'organiser à la dernière minute, plaide également pour que le ministère « se concerte davantage » avec les collectivités.

· Le secteur du tourisme

Le raccourcissement des vacances d'été et la modification des zones sont les deux principales craintes de l'industrie touristique.

« On se retrouverait concentré sur quatre à six semaines l'été, ce qui compliquerait les choses pour les opérateurs qui doivent faire tourner leurs hôtels ou remplir leurs charters sur l'ensemble d'une saison », explique Jean-Marc Rozé, secrétaire général du Syndicat national des agences de voyages (SNAV). « Et les consommateurs seraient aussi perdants, car le raccourcissement de la haute saison ferait automatiquement monter les prix », souligne-t-il.

L'Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques rappelle, elle, par la voix de sa directrice, Géraldine Leduc, son « attachement aux semaines pleines de vacances (de samedi à samedi) et au découpage en trois zones, qui permet d'étaler l'accueil des touristes sur plusieurs semaines ».

LAURENCE ALBERT ET JESSICA BERTHEREAU, Les Echos


19/06/2010
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