Revue de presse : Article dans Les Echos du 19/06/2011 : La France, championne du soutien scolaire privé, facteur d'inégalités
Le soutien scolaire privé, dont la France est la championne d'Europe, est en plein essor et "risque de maintenir et d'exacerber les inégalités, si on l'abandonne aux forces du marché", ce qui est largement le cas actuellement, s'alarme un rapport remis fin mai à la Commission européenne.
Ce soutien privé, rebaptisé "éducation de l'ombre", s'est "largement répandu" dans la plupart des pays européens, mais il bénéficie surtout aux élèves privilégiés et il est peu réglementé, tels sont les principaux enseignements de cette étude réalisée en quatre ans par le chercheur Mark Bray.
Intitulée "Le défi de l'éducation de l'ombre. Le soutien scolaire privé et ses implications pour les décideurs politiques dans l'Union européenne", elle conclut surtout que beaucoup de ces décideurs "préfèrent éviter les décisions difficiles en ignorant le phénomène et en l'abandonnant aux forces du marché".
Et ce, notamment, parce que "l'industrie du soutien scolaire est génératrice de plus en plus d'emplois, et s'avère également un moyen pour beaucoup de professeurs d'écoles publiques d'encaisser des revenus supplémentaires".
Or, si les politiques continuent ainsi, "le soutien scolaire privé risque de maintenir et d'exacerber les inégalités, car les familles aux revenus les plus élevés pourront s'offrir des cours particuliers en plus grande quantité et de meilleure qualité", prévient Mark Bray.
Dès lors, "briser le silence sur ce phénomène peut être une étape importante de notre effort pour améliorer l'éducation européenne et les systèmes de formation", écrit en préface du rapport Jan Truszczynski, directeur général de la direction générale "Education et culture", à la Commission européenne.
M. Truszczynski retient notamment que "le soutien scolaire privé ne consiste pas tant à offrir un soutien à des élèves ayant réellement besoin d'une aide qu'ils ne peuvent pas trouver à l'école que de maintenir les avantages concurrentiels des élèves privilégiés qui réussissent déjà".
En Europe occidentale, c'est surtout "la compétition imposée par la société, la course aux résultats scolaires" et "les restrictions budgétaires" qui expliquent le développement du phénomène, alors qu'à l'Est, c'est davantage "le déclin du pouvoir d'achat des enseignants dans les années 1990".
En compilant des études assez diverses, et sachant qu'une grande partie des cours se font "au noir", Mark Bray met en évidence que la France est le premier marché du soutien privé en Europe, avec 2,2 milliards d'euros (chiffre 2007), devant l'Allemagne (950 millions à 1,5 milliard, chiffres 2010), la Grèce (950 millions, soit 20% du budget de l'éducation), l'Espagne (450 millions), l'Italie (420 millions), la Roumanie (300 millions).
"Certains gouvernements de l'Union européenne octroient des allègements fiscaux" et "la plupart des familles qui bénéficient de ces allègements sont relativement aisées", ajoute l'étude.
En France, la défiscalisation (50% du montant des cours déduit des impôts) et la loi Borloo de 2005 créant le chèque emploi service ont soutenu un secteur dominé par Acadomia, Complétude, Keepschool, Profadom et Cours Legendre.
A partir de 2007, le gouvernement a créé plusieurs dispositifs de soutien publics et gratuits (aide personnalisée, accompagnement éducatif, stages pendant les vacances), mais sans remettre en question les déductions fiscales.
Par Emmanuel DEFOULOY
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