Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 06/01/2011 : Peut-on faire évoluer les évaluations de CM2 ?
A quelques jours des évaluations de CM2 il apparaît que la formule imposée par Xavier Darcos restera en vigueur cette année malgré la "protestation" du Snuipp. Pourquoi est-il si difficile de faire bouger un évaluation rejetée par de nombreux enseignants ?
"Même si en 2012 les dispositifs bénéficieront d’une réelle fiabilité scientifique et d’une évolution du codage, le calendrier ne semble pas devoir bouger et les interrogations demeurent concernant par exemple le lien entre ces évaluations et le livret de compétences", estime le Snuipp à l'issue d'une rencontre avec la DEPP, la division du ministère que Luc Chatel a chargé de revoir les évaluations.
On se rappelle que les évaluations de CM2 et, un peu moins fort, celles de CE1, ont déclenché de fortes réactions de refus de la part des enseignants en 2009 et 2010. On leur reprochait d'être des évaluations bilan, là où les enseignants attendaient une aide au diagnostic. L'encodage des réponses, avec un choix réduit à vrai / faux, manifestait l'esprit de cet exercice. Cela était aggravé par le fait que le bilan sur les connaissances en CM2 était dressé en... janvier ! Malgré tous les engagements ministériels, les enseignants avaient de bonnes raisons de penser que ces évaluations, tôt ou tard, seraient publiées et que cela introduirait une concurrence entre écoles. Enfin, Xavier Darcos avait entrepris de faire passer de force ces évaluations et, face à une résistance massive, avait ciblé quelques enseignants poursuivis avec une rare ténacité. Tout cela avait largement entretenu la défiance des enseignants envers le ministère et les inspecteurs, suscité l'incompréhension et le rejet chez certains inspecteurs. Les parents de la FCPE exigeaient eux aussi le retour à une évaluation diagnostic et un autre calendrier dans un autre niveau. Ce qui aurait du être un exercice banal était devenu un sujet d'affrontements et de crise morale profonde dans la maison Ecole.
Début 2010, suite à une démarche syndicale, Luc Chatel décidait de remettre les choses à plat et de confier à la DEPP la révision du protocole d'évaluation en lien avec les syndicats. Celle-ci progresse, se cogne aux résistances et aux exigences des uns et des autres et au final n'a pas abouti à une nouvelle évaluation acceptée par tous.
Notons que le Snuipp crédite le ministère d'un dispositif "d’une réelle fiabilité scientifique" et "d’une évolution du codage" en 2012. N'empêche en 2011, dans quelques jours, l'évaluation de CE2 aura lieu selon le calendrier Darcos et globalement selon le procédé mis en place en 2009 avec de faibles améliorations. "Pour cette année scolaire, le calendrier est inchangé et il est mis en place une évolution du codage concernant environ 1/3 des items : 2 codes seront rajoutés, à destination des enseignants pour indiquer si l’élève a répondu partiellement sans erreur, ou avec erreur", écrit le Snuipp. "Le livret du maître devrait donner des pistes aux enseignants pour l’analyse des erreurs. La remontée des résultats restera binaire". Toujours selon le Snuipp, la DEPP expérimentera sur 900 écoles de nouveaux exercices.
Une réaction modérée. Mardi 4 janvier, Alain Refalo, sur notre site, invitait les enseignants à résister à ces évaluations. Le Snuipp "pour protester contre le calendrier et l’inefficacité du codage binaire va proposer à ses partenaires syndicaux une expression publique axée sur le thème « des évaluations utiles aux élèves et aux enseignants »". Les parents seront-ils aussi sages ?
Un compromis peut-il être trouvé ? Ces évaluations sont au croisement de demandes sociales fortes qui rendent le compromis bien difficile. Du coté de l'Etat il y a les engagements vis à vis de la LOLF et la nécessité d'appuyer la gouvernance publique sur une évaluation restituée de l'efficacité de l'Etat. Cela impose des évaluations bilan, qui permettent de suivre les progrès ou les échecs de l'Ecole et de soutenir ou sanctionner celles-ci. C'est l'idée du pilotage du système éducatif par ses résultats et non par des moyens. Une idée qui heurte de nombreux enseignants.
A cette exigence de "new management", s'ajoutent les pressions sociétales. Les familles des milieux favorisés ressentent vivement le risque de déclassement pour leurs enfants. La pression scolaire se renforce et cela dès le début du primaire. Aux yeux de ces parents il devient indispensable de faire un bon choix d'école. D'où la volonté d'accéder à des résultats de l'école, clés d'un possible changement d'établissement. Pour ces parents la transparence des évaluations est jugée positivement. Et là ils rejoignent tous ceux qui pensent que la mise en concurrence des établissements est nécessaire à l'efficacité du système éducatif.
Face à ces conceptions, les instits voient dans l'évaluation bilan quelque chose d'inutile. De fait ils connaissent le niveau de chaque élève et ne voient pas d'intéret à connaître ceux de l'école. Ils défendent l'idée d'une évaluation diagnostic qui les aide à remédier aux difficultés des élèves. Ils vivent mal aussi la dépossession du pilotage de la classe par un Etat dont les intentions finales restent douteuses. Plus intéressant encore, on trouve chez eux un mouvement de résistance à l'Etat. Ce phénomène nouveau s'affirme, se structure et s'alimente au glissement politique de la majorité vers des thèses extrémistes. Pour ce courant, il y a un refus des fichiers, jugés toujours dangereux pour les libertés. On le voit, la question des évaluations renvoie donc à des conceptions opposées de l'Ecole.
François Jarraud
Evaluation : l'Ecole à un tournant
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