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Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 22/10/2012 : Maternelle : Le changement c'est maintenant ?

Pour une fois l'école maternelle était première. Lors des négociations avec les syndicats le 15 octobre, Vincent Peillon a abordé en premier lieu la réforme de la maternelle. Une priorité qui ne peut que plaire aux enseignants du préélémentaire. Enfin reconnus ?

 

Le 15 octobre, V Peillon a posé quelques objectifs à l'école maternelle. Il lui demande de redevenir une école particulière avec ses propres méthodes et des enseignants formés à ses spécificités. De nouveaux textes devraient affirmer cette réorientation en 2014. Mais dès la rentrée 2013, V Peillon souhaite scolariser davantage d'enfants de moins de trois ans dans les zones prioritaires. Cette nouvelle politique est-elle justifiée ?

 

L'école maternelle est bien un moment clé de la scolarité

 

Une enquête réalisée fin 2011 pour le gouvernement québécois montre l'importance des compétences acquises en maternelle en numératie et en motricité pour la réussite scolaire. Selon elle, "les données révèlent que les compétences de base en mathématiques, la capacité d'attention et les habiletés de motricité fine à la maternelle permettent de prédire non seulement le rendement scolaire ultérieur des enfants, mais aussi leur niveau d'engagement en classe, soit des comportements tels que la centration sur la tâche, la persévérance et l'autonomie". Ces travaux confirment d'autres études comme celle de B.Suchaut. En 2008, il avait identifié des compétences précises acquises en maternelle et qui décident de l'avenir scolaire. "Les compétences dans l'acquisition de la langue écrite, dans la structuration du temps et dans la construction du nombre à la fin de l'école maternelle déterminent les capacités attentionnelles des élèves à l'entrée au cycle III. Par ailleurs, ces capacités attentionnelles sont liées aux compétences en calcul mental qui elles-mêmes vont déterminer les futures acquisitions des élèves en numération et calcul à l'entrée au collège et, de façon indirecte, les compétences en compréhension. Ce dernier domaine étant central pour expliquer la réussite ou l'échec des élèves à l'entrée au collège". Ces travaux auraient du pousser à la scolarisation précoce. Or il n'en a rien été.

 

Deux quinquennats de délitement de l'école maternelle

 

Les quinquennats de J Chirac et de N Sarkozy se sont traduits par un net recul de la scolarisation en maternelle. Ainsi le pourcentage des enfants de deux ans scolarisés n'a cessé de baisser passant de 35% des enfants en 2000 à 21% en 2007 et 12% seulement en 2011. Ce taux a particulièrement reculé dans les zones populaires, comme la Seine-Saint-Denis, alors qu'il restait élevé dans l'ouest plus favorisé. Mais partout le préélémentaire a servi de variable d'ajustement des politiques de suppression de postes. Le résultat se retrouve dans les statistiques de l'OCDE. L'école maternelle française a un des plus fort nombre d'élèves par enseignant. Alors que la moyenne de l'OCDE est de 14,4 enfants par enseignant, en France on est à 21,5. Par comparaison le taux allemand est de 12,6, le britannique de 14,4, le finlandais de 11. Cette moyenne cache des maxima beaucoup plus élevés. "On est passé de 25 à 30 enfants, jusqu'à 36", souligne Christine Lemoine, professeure des écoles. "Avec ce nombre, on ne peut plus s'occuper individuellement des enfants et surtout de ceux qui ont du mal à trouver leurs repères à l'école. La seule façon de gérer c'est de leur proposer des activités où ils sont assis".

 

Parallèlement, une campagne de dénigrement de l'école maternelle a été lancée. On se souvient des "professeurs qui changent les couches" de X Darcos. Et des efforts pour remplacer la maternelle (gratuite) par des "jardins d'éveil" (payants). "Sous Darcos, la maternelle est devenue subitement "mauvaise", nous confie Christine Lemoine, professeure en maternelle. "Alors pour répondre aux attaques, des enseignants se sont mis à imiter l'école élémentaire".

 

La primarisation

 

Cette primarisation, aujourd'hui décriée par l'Inspection, a été aussi impulsée par l'institution. Luc Chatel a institué en grande section un test d'évaluation phonologique qui est mentionné dans la circulaire de rentrée 2012. Or ce test est critiqué par les enseignants et aussi les chercheurs. "Nous défendons depuis des années la nécessité d’un enseignement de la phonologie planifié, systématique et explicite. Cela ne veut pas dire qu’il doit être, comme c’est le cas ici, mécanique et ennuyeux, sans exigence de clarté cognitive ni d’explicitation du sens des activités proposées, par exemple segmenter l’oral en phonèmes pour pouvoir le transcrire", souligne Roland Goigoux. "La plus grande des faiblesses du dispositif proposé est sans doute d’isoler les tâches phonologiques des autres tâches d’enseignement de la langue écrite qui lui donnent sens et force. Les élèves de grande section de maternelle ont besoin de découvrir la nature de la langue écrite, double codage du sens et du son, et de comprendre les relations qu’elle entretient avec la langue orale."

 

Cette approche très scolaire est critiquée par les enseignants. Présidente de l'Ageem, association d'enseignants de maternelle, Isabelle Racoffier estime qu'on a perdu de vue les apprentissages moteurs au profits d'apprentissages scolaires. "Le livret d'évaluation a pris le pas sur les apprentissages à certains droits". La mise en place du Livret Personnel de Compétences est saluée très négativement par des enseignants. "Le LPC ne sert à rien", nous dit une enseignante. "Evidemment il pourrait être utile s'il n'était un marathon d'items. Mon métier ce n'est pas remplir des tableaux Excel".

 

Quelle maternelle demain ?

 

Les enseignantes interrogées attendent beaucoup d'une relance d'une formation particulière. "Il faut un module maternelle spécifique. Si les savoirs sont simples, la communication avec les enfants demande des compétences. Il y a des gestes qui doivent être transmis", nous dit C Lemoine. Elle invite à aller observer comment font les personnels des crèches. Et elle souligne l'importance des approches artistiques pour le développement de l'enfant. Comme I Racoffier, elle souhaite le retour d'inspecteurs IEN formés spécifiquement pour la maternelle. 

 

Des recommandations qui sont partagées par le rapport de l'Inspection générale publié en mai 2012. Les inspecteurs souhaitent "une formation professionnelle adaptée". Ils veulent aussi inverser les logiques et axer la maternelle sur le développement de l'enfant et non sur les objectifs de l'école élémentaire. Vincent Peillon semble vouloir suivre ces pistes.

 

François Jarraud



25/10/2012
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