Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 31/05/2010 : Suppression des Rased, des décharges, bourrage des classes : comment Luc Chatel va réduire les postes au primaire et au secondaire
Le Café pédagogique publie les documents remis aux inspecteurs d'académie pour supprimer des postes dans les trois prochaines années. Suppression des Rased, réduction de la scolarisation à deux ans, regroupements scolaires, augmentation du nombre d'élèves par classe au primaire; augmentation de la taille des classes au collège, fermeture des petits établissements, "rationalisation" de l'offre éducative en lycée et de l'offre de formation en L.P., réduction des IDD, voilà pour le secondaire. Découvrez le détail de la stratégie ministérielle.
"Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés". Aucun enseignant ne sera épargné par les mesures Chatel qui frapperont d'une façon ou d'une autre les écoles et les établissements. Mais certains corps, certains enseignements même seront particulièrement affectés par la stratégie de grignotage imaginée par le ministère.
Le 17 mai, puis le 28 mai, le Café pédagogique vous a donné les premières informations sur la méthode mise en place par le ministère pour dégager les 16 000 suppressions de postes décidées pour 2011. Le 17 mai nous vous avons averti : " Selon des indiscrétions remontées jusqu'au Café, les inspecteurs d'académie ont été chargés par les recteurs, à la demande du ministre, de dégager les gisements d'emploi possibles. Les recteurs seraient en ce moment même en train de faire remonter à Paris les diagnostics des inspecteurs d'académie." Le 28 mai un document ministériel parvenu jusqu'à nous énumérait "pas moins d'une trentaine de "leviers" identifiés mais dont l'impact sera différent selon les académies. La plupart affectent directement les classes. C'est le cas par exemple de l'augmentation de la taille des classes, de la baisse de la scolarisation à 2 ans, de l'enseignement spécialisé – RASED, par exemple ou encore de " la rationalisation de l'offre de formation".
Aujourd'hui nous publions les documents ministériels remis aux inspecteurs d'académie comprenant les fiches de suppressions de postes qu'ils doivent faire remonter. Ces documents étaient accompagnés d'annexes (fichiers excel et pdf) présentant les écarts départementaux ou académiques pour différents taux afin de permettre aux inspecteurs d'argumenter sur les suppressions de postes.
Au primaire
La mesure la plus grave concerne les Rased, particulièrement les maîtres E et G et les psychologues scolaires. Pour le ministère, " La durée de l'enseignement scolaire dans le premier degré est désormais fixée à vingt-quatre heures hebdomadaires dispensées à tous les élèves auxquelles s'ajoutent deux heures d'aide personnalisée en très petits groupes pour les élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages. Cet effort représente l'équivalent de 16 000 postes d'enseignants entièrement dédiés à aider les élèves qui en ont le plus besoin. Dans ce nouveau contexte, la contribution des enseignants spécialisés des RASED, qui s'ajoute à cet effort, doit évoluer". Le document propose "plusieurs scénarios" : " suppression des seuls maîtres G (non-remplacement des départs en retraite et affectation en classe) et poursuite de la politique de sédentarisation des maîtres E dans les écoles où la difficulté scolaire se manifeste le plus (sans économie) ; suppression des maîtres G et des maîtres E ; pour ces derniers, il convient d'estimer quel est le besoin de maîtres E maintenus en « surnuméraires » dans les écoles, voire dans des structures ad hoc (milieu rural par exemple) ; un troisième scénario intègre, en plus du scénario précédent, la mise en extinction des psychologues scolaires". Le ministère reconnaît que la mesure est difficile : " Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de cette mesure montrent qu'elle nécessite une affirmation et un accompagnement politiques importants. Il vous est demandé ici un exercice d'évaluation du besoin minimal en maîtres E et des conséquences en termes de libération d'emplois de l'absence de recrutement nouveau de psychologues scolaires et de maîtres G."
Une autre marge de manœuvre découle simplement de l'augmentation du nombre d'élèves par classe. Estimant que "hors cas ou situations spécifiques, les études et expériences les plus récentes indiquent que la diminution des effectifs dans les classes n'a pas d'effet avéré sur les résultats des élèves et que les très petites écoles ne s'avèrent plus toujours performantes", le ministère demande aux inspecteurs d'encourager les regroupements d'écoles et de jouer sur les taux d'ouverture et fermeture. "Outre les leviers d'action liés aux modalités d'affectation des élèves et à l'augmentation des seuils de création de classes, les fusions d'écoles ainsi que la mise en place des regroupements pédagogiques intercommunaux sont de nature à permettre une répartition plus homogène et plus cohérente des effectifs tout en réduisant le nombre de classes nécessaires", note le ministère. Il y voit un obstacle : "Il est vrai que le resserrement du réseau scolaire ne peut se réaliser qu'avec la participation des autorités locales mais il convient de souligner aussi que l'émulation des élèves et donc leur réussite scolaire, sera favorisée dans des écoles qui offrent un environnement éducatif plus étendu". Les statistiques montrent de grands écarts entre départements ce qui doit encourager les inspecteurs à niveler vers le haut le nombre d'élèves par classe.
On ne sera pas surpris de trouver la suppression de la scolarisation à deux ans dans les cartons du ministère. Depuis 2000 le taux de scolarisation a fondu de moitié. On va vers la liquidation. " Les études disponibles ne démontrent pas que la scolarisation à deux ans constitue un avantage évident dans toutes les situations par rapport à d'autres modes de garde alternatifs", tranche le ministère. "L'économie à réaliser devra donc se traduire par une diminution du taux de scolarisation des enfants de deux ans, dont le niveau pourra être différent selon les académies et qui devra tenir compte du niveau actuel de cette scolarisation".
La réduction du besoin de remplacements est envisagée en organisant les formations hors temps scolaire et en recourant à des non titulaires. Enfin le ministère entend récupérer aussi au moins un milliers d'emplois chez les intervenants en langue vivante.
Dans le secondaire
La première mesure touche les collèges où le ministère entend augmenter le nombre d'élèves par classe. Estimant que " il n'est pas démontré en effet que la taille des classes ait un effet probant sur la réussite des élèves" et encore que " le surcroît de moyens au profit de certaines académies, pourtant significatif, ne permet pas d'atteindre une plus grande performance scolaire et d'égaliser les chances", le ministère envisage de " procéder à une analyse du nombre d'élèves par division ou groupe d'élèves au regard des caractéristiques sociales et structurelles de l'académie, des niveaux et types de formation, et d'estimer les gains en emplois qui peuvent être générés dans le cadre d'une optimisation des effectifs dans les structures". Le document officiel donne un exemple : " Exemple : Au sein d'un établissement, 240 élèves sont en 4ème dans 10 divisions soit un nombre d'élèves par division de 24,0. En augmentant le nombre d'élèves par division de 5 élèves on devrait obtenir : 240 / 29 = 8,3 divisions arrondi à 9 (gain d'une division). Soit un gain théorique en ETP (sur la base d'un coût théorique d'une division de 29 heures) de 1(division) x 29(heures) /18 = 1,6." Les inspecteurs sont invités à retourner des tableaux des gains projetés.
La fermeture des petits établissements est une autre voie explorée. " Il s'agit pour l'académie d'entamer ou de poursuivre le dialogue avec les collectivités afin d'aboutir à la fermeture des petits établissements". Pour le ministère, "outre le coût de ces établissements pour les finances publiques (Etat et collectivités territoriales), cette situation peut nuire à la qualité de la formation dispensée : isolement des enseignants, multiplication des services partagés, difficulté à monter financièrement des projets pédagogiques, difficulté de faire intervenir des partenaires".
Si les lycées doivent rester intouchés à la rentrée 2010, le ministère indique qu'il n'en sera pas de même en 2011. Il entend "rationaliser" les moyens grâce aux apports de la réforme. " Il s'agit pour l'académie de rechercher les gains potentiels liés aux conditions de mise en œuvre de la réforme du lycée… La réforme du lycée général et technologique offre des possibilités significatives d'optimisation aux établissements : une dotation horaire globalisée pour la mise en place de groupes à effectifs réduits, la possibilité de « mise en réseau » des établissements pour assurer certains enseignements de manière optimale, la mise en place d'un « tronc commun » en première permettant la constitution de classes réunissant des élèves des différentes séries, l'organisation de l'enseignement des langues vivantes par groupes de compétence. La rationalisation de la carte des langues rares et la mise en place de conventions entre établissements pour la mise en place des enseignements d'exploration devront être recherchées. L'utilisation de la dotation globalisée laissée à la disposition de l'établissement doit être la plus efficace possible dans le cadre du dialogue avec les établissements". Là aussi, le ministère invite au calcul. Sachant que le nombre moyen d'heures constaté pour la seconde est de 41,3 h, " Pour la classe de seconde, il s'agit de faire différentes simulations en chiffrant le gain que pourrait dégager une dotation forfaitaire moyenne de 39h par division, 39,5h, 40h… Pour les classes de première et de terminale générales, il convient d'évaluer les possibilités offertes par le « tronc commun »."
Dans les lycées professionnels, c'est la "rationalisation de la carte des formations" qui permettra de dégager de smoyens. " Le regroupement des divisions à effectifs réduits sera recherché ainsi qu'une augmentation de la taille des divisions. L'objectif est de rationaliser la carte des formations et de spécialiser les établissements afin d'optimiser la taille des structures".
Le ministère entend également revenir sur les décharges horaires des enseignants, une mesure que Robien avait fait passer et que Darcos avait annulée. Constatant que le volume des décharges égale 19 827 ETP (équivalent temps plein = un emploi ) le ministère entend s'en prendre d'abord aux décharges non statutaires (soutien scolaire, chorale, coordination disciplinaire, missions académiques, formation tice, utilisation tice).
Cas unique, un enseignement obligatoire est aussi remis en cause : les IDD. Le ministère demande à constater les différences entre établissements pour "lisser" là aussi les moyens… Enfin le gouvernement poursuivra sa politique d' "optimisation du remplacement" et de réduction du nombre d'emplois administratifs.
Le fait que ces documents nous sont parvenus par plusieurs voies montre que leur mise en application suscite déjà de larges remous dans l'encadrement de l'éducation nationale. On sait que les décisions seront prises le 15 juin. A cette date les académies auront une idée précise des postes supprimés. Mais les organisations professionnelles pourraient dès maintenant demander des explications au ministère.
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