Il suffit de regarder autour de nous :
chacun(e) connait dans son entourage un enfant dit « roi ». On en parle avec dédain, (« ouf, ce n’est pas le nôtre ! »), on fustige son comportement d’enfant gâté (« il obtient tout ce qu’il veut en claquant des doigts »), on méprise à mots couverts ses parents (« ce n’est pas avec nous que ça arriverait ! »). Acculé de toutes parts, l’enfant roi semble être la source de tous les maux de notre société… Seule (ou presque)
Marlène Schiappa, auteure de Eloge de l’enfant roi (Ed. François Bourin Editeur), a décidé de prendre sa défense et de lui rendre justice : non, un enfant roi n’est pas un tyran. Loin de là. Explications.
Magicmaman : Pourquoi prendre la défense des "enfants rois" ?Marlène Schiappa : A l'origine de mon livre, il y a eu une discussion avec ma sœur, maman comme moi. Elle trouvait que mes enfants étaient des petits rois et je lui rétorquais la même chose. Finalement, j'ai constaté que l'enfant dit "roi" était toujours l'enfant de l'autre.
Je me suis ensuite demandée pourquoi on employait à toutes les sauces le terme de "roi" pour qualifier un enfant qui sort du cadre... J'en suis ainsi venue à creuser cette expression pour mieux comprendre ce qui se cachait derrière. Dans le cadre de mes recherches, j'ai lu des études ahurissantes sur le phénomène des enfants rois, qui les qualifiaient d'immatures. C'est fou ! Un enfant est par essence immature ! Il me semblait alors important de prendre sa défense.
Que reproche-t-on à "l'enfant roi" ?Marlène Schiappa : Beaucoup de choses ! D'être dans l'immédiateté, de prendre de la place, de faire des caprices
, de couper la parole... L'attitude classique d'un enfant en somme ! Par exemple, on reproche aux enfants dits "rois" de faire des crises au supermarché, de
se rouler par terre pour des bonbons ou autres sucreries... Mais on ne se demande jamais pourquoi ils le font ! Les enfants sont hyper-stimulés par les odeurs, les couleurs. Ce type d'endroit est une source de stress, de sollicitation permanente pour eux, d'où les pleurs et les cris. Quoi de plus normal ? Ceci est un exemple parmi tant d'autres, mais si l'on changeait de regard, on se rendrait compte que dans ces situations où nous taxons les enfants d'être des rois,
nous sommes bien souvent à l'origine de leurs caprices.
Les parents ont-ils l'impression de perdre du terrain dans l'éducation de leurs enfants ? Marlène Schiappa : Les parents d'aujourd'hui sont très seuls, leurs propres parents sont des grands-parents actifs, modernes, qui s'investissent beaucoup moins dans l'éducation de leurs petits-enfants. Et paradoxalement, moins ils sont présents et plus
ils disent que leurs petits enfants sont des enfants rois. Si par ce biais, ils valorisent l'éducation qu'ils ont donné à leurs propres enfants ("Dans le temps, avec moi, ça filait droit, pas comme mes petits-enfants"), ils usent d'un argument facile et dangereux dans la mesure où il met de nombreux jeunes parents en difficulté. Désemparés, ces derniers recherchent des conseils d'éducation de tous les côtés, et bien souvent le message qui leur est envoyé les fait culpabiliser : ne faites pas cela, dites plutôt cela, soyez plus autoritaires, ne laissez rien passer, etc. Dès lors, s'ils n'appliquent pas ces conseils, leurs enfants deviendront au mieux des petits tyrans, au pire des serial killers !
Tous les débats autour de la parentalité rendent les choses floues et les parents culpabilisent de ne pas avoir suffisamment d'autorité auprès de leurs enfants.
Quelles sont les qualités des enfants rois ?Marlène Schiappa : Bien loin des clichés de l'enfant roi narcissique et égoïste, de nombreuses études prouvent au contraire qu'il a de nombreuses qualités, elles-mêmes très valorisées dans notre société. Ainsi,
l'enfant dit "roi" est un excellent négociateur, puisqu'il passe beaucoup de temps à faire changer d'avis ses parents pour obtenir ce qu'il veut. Une qualité fortement appréciée en entreprise ! Il est également doté d'une
grande intelligence relationnelle puisqu'il participe très tôt aux discussions d'adultes et sait faire reconnaitre ses envies et besoins par tous. Enfin, c'est un enfant responsable car on lui laisse plus d'autonomie dans ses décisions.
En quoi l'enfant roi se distingue-t-il d'un tyran ? Quelles sont les limites de son royaume ?Marlène Schiappa : Un enfant roi n'est pas un enfant tyran. Un "enfant roi" est un enfant choyé par ses parents. Ces derniers ambitionnent de le rendre heureux et autonome au quotidien. Evidemment, les enfants rois ont des limites - au contraire des enfants tyrans - et la sécurité en fait partie. Si sanction il doit y avoir,
elle sera plutôt de l'ordre de la responsabilisation et de la promotion : un enfant qui commet une bêtise doit pouvoir prendre conscience de ses actes. Par exemple, s'il vole 10 euros, il devra faire l'équivalent de 10 euros de tâches pour réparer son acte. En somme, un enfant roi est l'unique souverain de son royaume enfantin.
Marlène Schiappa est Présidente de l'association Maman Travaille. Son dernier ouvrage Eloge de l'enfant roi est publié aux édition François Bourin Editeur.