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Revue de presse : Article sur www.vosquestionsdeparents.fr du 21/02/2012 : Psychologie de l’enfant : que signifie “être amoureux” en maternelle ?

Dès la maternelle, l’amour intéresse les enfants. Des histoires de cœur peuvent circuler dans la cour de récréation et des petits couples se former. Comment comprendre ces amours enfantines ? La rédaction de Pomme d’Api a interviewé le pédopsychiatre Michaël Larrar.

Pomme d’Api : Est-ce qu’un petit enfant est amoureux comme peut l’être un adulte ?

Michaël Larrar : L'amour chez les petits de maternelle n'a pas grand-chose à voir avec le sentiment amoureux chez les adultes. Entre 3 et 6 ans, un enfant est dans une période d'identification très forte à ses parents et à leur couple : quand il a une amoureuse ou un amoureux, c'est avant tout pour les imiter.

On est très proche du jeu de “faire semblant”. Il n'a donc pas obligatoirement une véritable attirance pour cet autre enfant, ne passe pas forcément beaucoup de temps avec lui ou avec elle, ne ressent pas un fort manque quand il ou elle n'est pas là.

Si ses parents sont séparés, former un “petit couple” peut également le rassurer, lui donner un ancrage hors de sa famille pour l'instant malmenée. Mais là encore, peu importe l'élu(e) : ce qui compte c'est de “faire couple”, de créer une sorte d'objet transitionnel, comme un doudou. Souvent aussi à cet âge, il peut y avoir une confusion entre l'amour et l'amitié : n'ayant pas vraiment de mot pour décrire une amitié avec un enfant de l'autre sexe, il appelle ça de l'amour… même si ça n'en est pas.

Pomme d’Api : Est-on toujours au courant ou les amours enfantines peuvent-elles être secrètes ?

M. L. : Le plus souvent, les parents sont au courant car leur enfant éprouve beaucoup de plaisir et de fierté à leur montrer qu'il est amoureux : pour lui, cet amour signe une identification réussie à son papa et sa maman.

Fréquemment aussi, ce sont les parents eux-mêmes ou l'entourage adulte qui posent la question : alors, tu as un(e) amoureux(se) ? En répondant oui, il a l'impression de les satisfaire, il est donc rare qu'il le cache ! Et puis en pleine période œdipienne, afficher son amour pour un petit copain ou une petite copine devant ses parents lui permet de leur envoyer un message : j'ai bien compris que je ne peux pas être amoureux de l'un de vous d'eux, alors j'ai trouvé quelqu'un d'autre.

Pomme d’Api : Y a-t-il une dimension sexuelle dans les amours enfantines ?

M. L. : Pas au sens adulte avec un désir de faire l'amour. Mais on le sait bien, cet âge est celui des pulsions et d'un grand appétit de sensations corporelles. Donc il peut exister dans certaines relations amoureuses enfantines une forte excitation physique : les petits amoureux se tiennent la main, se touchent, se font des bisous.

Ils le font avec beaucoup de spontanéité, sans peur de mal faire ou d'avoir de mauvais gestes : pour l'instant, ils ne sont pas encore conscients des pulsions qui les animent, ne les ont pas encore refoulées, comme cela sera le cas vers 6 ans, au CP.

Pomme d’Api : Faut-il prendre cette relation au sérieux, l’encourager ou au contraire la relativiser ?

Michaël Larrar : D'une manière générale, il faut laisser les choses se faire naturellement. C'est-à-dire écouter son enfant s'il a envie de parler de son amoureux(se) mais ne pas aller chercher ses confidences, ne pas les provoquer.

Trop de questions, même sur un ton que l'on pense léger (“Vous allez vous marier ?” “Vous voulez combien d'enfants”) seraient dérangeantes pour l'enfant : elles sont les projections d'un psychisme d'adulte. Un psychisme de petit enfant aurait beaucoup de mal à les digérer.

Pomme d’Api : Comment le consoler en cas de chagrin d’amour ?

M. L. : Voilà encore une chose qui distingue l'amour à l'âge de la maternelle de l'amour adulte : les chagrins d'amour sont très rares, beaucoup plus par exemple que les chagrins d'amitié qui peuvent prendre des proportions énormes.

L'amoureux(se) éconduit trouve en général un(e) autre élu(e) dans la journée, parfois même sans lui avoir demandé son avis ! Car encore une fois, ce qui compte pour lui est de pouvoir se prétendre amoureux, pas forcément de l'être.

Pomme d’Api : Ces amours infantiles auront-elles une influence sur sa vie affective future ?

M. L. : Toute expérience relationnelle et affective vécue dans l'enfance façonne bien sûr l'adulte de demain. Si un enfant a connu un amour partagé, que cela a été l'occasion de moments agréables, il aura plus tard à l'esprit que l'amour a du bon et mérite d'être recherché.

Mais il faut cependant relativiser le poids des amours infantiles. Car c'est avant tout le modèle du couple parental qui influence de manière forte la vie amoureuse future de l'enfant : ses parents ont-ils l'air bien ensemble, joyeux, complices, heureux ? Ces images le marquent durablement.

Pomme d’Api : Que ressent-il quand il voit ses parents s’embrasser sur la bouche ?

M. L. : Beaucoup d'ambivalence. Une partie de son psychisme est content car cela signe une ambiance familiale heureuse, un amour présent et rassurant entre ses parents. Mais en même temps, ce baiser brise le cœur de l'enfant œdipien qui se sent abandonné, rejeté, trompé.

Il existe aussi une dimension de curiosité : que se passe-t-il dans le lit de Papa et Maman après le bisou ? D'où l'importance pour les parents de rester dans la nuance, de ne pas se cacher sans pour autant se donner en spectacle !

Un enfant qui ne verrait jamais ses parents s'embrasser pourrait nourrir la croyance que les adultes ne se touchent jamais, et ne disposerait pas de tous les éléments pour se développer harmonieusement. Mais à l'inverse, face à trop de sensualité, il pourrait ressentir une excitation sexuelle trop forte ou au contraire une inhibition, sidéré par ce qu'il voit.

 

 

Michaël Larrar, pédopsychiatre, propos recueillis par Isabelle Gravillon, Pomme d’Api, cahier Parents, mars 2012



06/03/2012
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