Article dans Le Figaro du 30/08/2010 : «On n'a jamais appris à tenir une classe»
Marie-Line, jeune enseignante fraîchement diplômée de région parisienne, prépare sa première rentrée. Mais elle n'a quasiment reçu aucune formation pédagogique, confie-t-elle au figaro.fr.
Sur sa table de travail trônent L'épopée de Gilgamesh et les Métamorphoses d'Ovide. «Ce sont les textes fondateurs, au programme pour les 6e», explique Marie-Line, tout juste diplômée du Capes de lettres modernes. Jeudi dernier, soit une semaine jour pour jour avant sa première rentrée, elle a enfin pu savoir à quelles classes elle aurait affaire: une 6e et deux 5e. «Premier réflexe : se remettre les textes en tête», poursuit la jeune prof stagiaire.
Le week-end a donc été chargé pour Marie-Line. Pas facile de préparer sa rentrée avec un calendrier si serré : diplômée depuis le 8 juillet, elle n'a connu son établissement d'affectation que le 20 août. Ce sera un collège de Seine-Saint-Denis. «J'ai de la chance, c'est à moins d'une heure de transport de chez moi, explique la jeune femme de 27 ans, qui vit dans le 18e arrondissement de Paris. D'autres ont été affectés dans des établissements très loin de chez eux, ce qui leur laisse moins de deux semaines pour s'organiser, voire déménager.»
Outre la relecture des textes qu'elle abordera avec ses futurs élèves, il lui a fallu préparer ses premiers cours. À partir de jeudi, Marie-Line se retrouvera 16 heures par semaine face à trois classes d'une trentaine d'élèves, seule. De l'avis des syndicats d'enseignants, c'est surtout là que le bât blesse dans la formation des jeunes professeurs. Pour relever ce défi, la jeune enseignante n'aura en effet reçu en tout et pour tout que deux jours de formation pédagogique, cette semaine. Un DVD édité par le ministère de l'Éducation nationale, «la classe côté professeur», est également à sa disposition, ainsi qu'un site Internet qui présente des vidéos sur «le premier cours de l'année» ou «la gestion de l'autorité».
Un système de tutorat
«Notre formation théorique, sur la matière enseignée, est solide. Mais côté pédagogique, on n'a jamais appris à construire un cours ou à tenir une classe», regrette Marie-Line. Avant la réforme dite de «masterisation», adoptée l'an dernier, les professeurs stagiaires n'avaient qu'environ 8 heures de présence à assurer en classe, le reste du temps étant dévolu à la formation. Aujourd'hui, le rapport est inversé. À l'avenir, la réforme prévoit des stages en classe durant l'année de préparation au Capes. Mais la promo de Marie-Line, coincée entre l'ancien système et le nouveau, n'en a pas bénéficié. En attendant d'autres journées de formation tout au long de l'année, il va donc falloir improviser. «C'est quitte ou double, résume la jeune enseignante : soit on s'adaptera plus vite, soit on sera plus vite largué.»
Pour accompagner les «bleus» dans leurs premiers pas, un système de tutorat a été mis en place par la réforme. «Là encore j'ai de la chance, mon tuteur enseigne dans le même établissement que moi, ce n'est pas le cas pour tous», relève Marie-Line. En revanche, sur les modalités de présence de son tuteur dans sa classe et la fréquence de leurs entrevues, elle ne sait encore rien de précis.
Une bonne nouvelle est quand même venue alléger, la semaine dernière, cette atmosphère de rentrée difficile : le salaire. «On passe directement de l'échelon 1, qui était l'ancien échelon des professeurs stagiaires, au niveau 3, qui correspondait à la fin de l'année de stage». Promesse tenue, donc. Hors prime, Marie-Line touchera environ 1500 euros nets mensuels. «Honnête», juge-t-elle, pour un quasi-temps complet.
Par Thomas Vampouille
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