Revue de presse : Article dans Le Monde du 06/04/2012 : L'école mérite mieux qu'une seule logique comptable
Le principe de l'instruction obligatoire et gratuite pour tous a contribué à notre socle républicain. L'école républicaine a été un efficace ascenseur social pour des générations de Français. Véritable clef de voûte de ce système éducatif vertueux, l'enseignant y a joué un rôle central. Figure d'autorité au statut social respecté, l'enseignant a incarné le savoir et sa diffusion auprès de tous les Français, quelles que soient leurs origines sociales.
Sans tomber dans le pessimisme ambiant, force est de constater qu'aujourd'hui le modèle éducatif français est en crise. Constat particulièrement grave, l'accès à l'éducation pour tous, au cœur du principe républicain est menacé : 20 % des élèves français sont en situation d'échec, une part en constante augmentation. Pire encore, l'école française creuse les inégalités sociales sous les coups de boutoir d'approches individualisées et de plus en plus compétitives. Les élèves issus de milieux modestes et de l'immigration en sont les premières victimes et l'école ne joue plus son rôle de cohésion sociale. Une situation que personne et plus encore nous à la Maif ne peut accepter.
Le bruit médiatique ne cesse d'alimenter la boîte à dévalorisation : budget de l'éducation nationale rogné, réduction du nombre de professeurs, salles de classe bondées, professeurs stagiaires sans formation à la pédagogie, violence scolaire, stress, faibles perspectives de carrière, salaires insuffisants, etc. La coupe est pleine.
La logique comptable ne doit pas occuper tout l'espace du débat.
La réduction des moyens accordés aux enseignants rend de plus en plus difficile la réalisation de leur mission, ce qui contribue à renforcer l'image d'une école qui fonctionne mal.
Pourtant malgré ce constat, les enseignants continuent de croire. Ils croient aux vertus de l'école, celle qui réduit les inégalités, et 91 % d'entre eux puisent leur motivation dans "la réussite des élèves". La force de l'école est bien ici, chez ces enseignants qu'il est impératif de remettre au coeur du système.
Pour restaurer l'école, il faut défendre haut et fort le principe du droit inaliénable de l'accès à l'éducation pour tous par un modèle qui réaffirme le principe de la gratuité et de l'égalité. La récente explosion du recours au soutien scolaire par des officines spécialisées, outil privilégié par les familles aisées, est le symbole d'une dérive inquiétante. Ces "petits cours" creusent le fossé social alors même que l'école n'arrive plus à le résorber en son sein. Ces deux logiques doivent être inversées.
Pour restaurer l'école, il faut renforcer et développer le dialogue avec les parents dont chacun sait combien sa faiblesse porte préjudice au bon accompagnement des enfants.
Pour restaurer l'école, il faut mettre à disposition des enseignants des outils pédagogiques innovants dans les domaines de l'apprentissage, de la prévention, du handicap et du développement durable... par le biais de démarches collaboratives (parents d'élèves, associations, entreprises de l'économie sociale, etc.) et ceci en dehors de toute considération marchande.
Avec plus d'une centaine de solutions élaborées par un collège de spécialistes en pédagogie et spécifiquement conçues pour donner accès à l'éducation au plus grand nombre de manière simple, ludique et attractive, la Maif par exemple s'emploie, à sa juste mesure, à apporter ce type de soutien aux enseignants, sans jamais se substituer au rôle de l'école. La mobilisation autour de solutions éducatives gratuites est un moyen concret de soutenir les enseignants, de les conforter dans leur rôle singulier et central de passeur, de pédagogue. Elle constitue également une manière intelligente de revaloriser, consolider et ressouder une communauté éducative fragilisée.
Cette démarche collaborative dessine unavenir plus partagé, plus contributif. Elle permet de créer un appel d'air en matière d'innovation pédagogique, notamment par l'utilisation des nouvelles technologies. Les acteurs de l'économie sociale et solidaire doivent contribuer à la faire vivre, l'encourager, la faire partager à la société civile dans son ensemble, et permettre ainsi d'accompagner et de soutenir les enseignants.
L'accès à l'éducation pour tous est peut-être une réponse essentielle à nombre de nos maux. C'est un enjeu que personne ne peut occulter, et surtout pas nos candidats à l'élection présidentielle. L'élève d'aujourd'hui sera le citoyen de demain. Ce défi interroge notre société et s'impose à nous. Il est désormais temps d'y apporter des réponses claires et précises.
Roger Belot, président de la Maif
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