Revue de presse : Article sur www.cafepedagogique.net du 21/05/2012 : Maternelle : Du numérique, des enfants et des jeux avec Céline Barriol-Décot
"Le numérique ? Un formidable outil pour apprendre autrement !". Retenue pour présenter son projet au 5ème Forum des enseignants innovants, Céline Barriol-Décot nous livre ici son témoignage sur le projet qu'elle présente à Orléans : des enfants et des jeux, des photos et des mots, vivre et apprendre en petite section à l'heure du numérique.
Pour te présenter, peux-tu commencer par me dire depuis combien de temps tu enseignes ?
« Il y a un peu plus d’une vingtaine d’années. Je fais partie de la fameuse promo FPS (Formation Professionnelle Spécifique). J’ai été recrutée au moment où l’école normale disparaissait au profit des IUFM. J’ai eu une drôle de formation étalée sur plusieurs années… durant lesquelles j’ai rencontré beaucoup de professionnels de l’éducation qui m’ont aidé à combler les lacunes liées à cette époque d'entre-deux. Désormais, je suis rattachée au service départemental des usages et ressources numériques du CDDP 43. »
Comment s'est passée ton installation dans le métier, et qu'est-ce qui te motive avec le numérique ?
« Pour moi, le numérique c’est d’abord le hasard d’une nomination dans une école qui faisait figure de modèle en terme d’équipement à Bas en Basset en Haute-Loire. Je me suis retrouvée dans un groupe expérimental autour des TICE lorsque les premiers modems sont arrivés dans les écoles. Avec un autre collègue, nous avons proposé à nos élèves d’écrire un roman en utilisant la messagerie… C’était nouveau et très motivant pour les élèves. Malgré les aléas techniques, le projet a abouti et depuis, je poursuis cette aventure numérique avec le même enthousiasme.
Ce qui m’intéresse dans le numérique, c’est les liens et les réseaux que cela permet de créer… A travers les rencontres, les échanges, les outils… Tu te nourris de l’expérience des autres, tu remets en question tes partis pris, tu apprends, tu cherches et tu trouves des solutions pour mieux préparer ta classe, pour mieux cibler les aides…
C’est aussi un formidable outil pour apprendre autrement, diversifier les parcours et les approches pour développer une compétence donnée. J’ai un attachement très fort à la reconnaissance des enfants différents et le numérique m’a aidé à développer de nouvelles manières d’enseigner au profit du respect du rythme et des capacités individuelles mais aussi de créer des liens forts autour de projets. Un outil pour l’élève, mais aussi un outil pour les familles… je suis une partisane de la communication avec les parents, donner à voir, à valoriser et à comprendre ce qui se joue à l’école et comment, c'est extrêmement plus facile depuis que le numérique s’est démocratisé. Cela permet de tisser des liens de confiance, des liens de parole et d’expérience partagée entre les enfants et les parents. Donc, pour moi le numérique c’est du vivre ensemble pour mieux se connaître et apprendre. »
Dans le projet proposé, vous travaillez par conséquent à deux, comment s'est construit le partenariat avec ta collègue, chargée de classe ?
« C’est dans le cadre d’un projet fédérateur proposé par le CDDP 43 que j’ai commencé à travailler avec Isabelle. Il s’agissait d’initier les enfants à la lecture et à la production d’images, ce projet s'intitule « jeunes écrivains d’images ». Lorsque j’ai pris connaissance du projet d’Isabelle, je me demandais bien comment m’y prendre ; mes collègues n’avaient jamais réalisé un tel projet avec des petits. Isabelle a peu de compétences numériques mais elle souhaitait utiliser les ressources numériques pour initier ses élèves à la production d’images et de sons, en tirer profit en terme d’apprentissages tout en répondant à la nécessité de faire vivre et comprendre l’école aux familles, créer du lien. Donc, j’ai été sa boite à outils, le technicien et réalisateur à partir de la matière et du projet qu’elle avait. »
Comment le projet a-t-il évolué au cours de sa réalisation ?
« Régulièrement, Isabelle sélectionnait des situations vécues, photographiées…, ensemble nous arrêtions les situations intéressantes puis je m’occupais du montage, je revenais pour les prises de sons… ainsi de suite… Plus tard, j’ai proposé à Isabelle d’aller plus loin en réutilisant les images et les sons dans un environnement numérique où les enfants pourraient s’exercer, progresser à leur rythme, en partant d’objets du vécu. Ils ne comptent pas des lapins mais des copains. Ils ne nomment pas le A de âne mais le A d’Alban. Ils jouent avec des consignes qu’ils ont rencontrées dans des situations vécues pour de vrai… Ils reconnaissent les outils qu’ils ont utilisés, les types de graphismes qu’ils ont découverts… Mais ce sont leurs productions à EUX, pas une image téléchargée sur une banque d’images. C'est aussi cette particularité qui donne du sens au projet et aux apprentissages de l'école... Grâce au soutien et à l’esprit de mutualisation des collègues qui ont créé les logiciels de FLOCS, j’ai préparé les données pour réaliser un premier mémory interactif puis un autre. Ils ont mis à ma disposition une coquille et m’ont guidé dans la réalisation. Sur le site matvhugo, on peut trouver plusieurs logiciels gratuits créés dans cet esprit de collaboration. C’est très intéressant car le concept de mémory porté par Yves Cohen, José Lopez et Régine BD s’appuie sur une expérience enseignante soucieuse de prendre en compte l’élève et offre différents paliers de difficultés, un statut de l’erreur formateur. Sur notre projet, j’espère pouvoir aussi proposer des applications pour les tablettes d’ici la fin du mois. Ce qui me plait avec le numérique, c'est le foisonnement des possibles, la créativité, la recherche des solutions les plus adaptées au contexte, avec la dimension de personnalisation qui en fait un véritable atout »
Avec ce projet, parle-nous de ce que vous avez constaté sur l'implication des enfants, leurs apprentissages ?
« Apprendre en prenant appui sur l’expérience et sur le vécu donne une large place à la dimension affective. C’est sécurisant. Pouvoir le partager dans la cellule familiale, cela valorise, encourage, rassure et implique davantage aussi les parents. Le numérique diversifie et enrichit les liens et les manières d’apprendre. Mais notre projet s’ancre avant tout dans l’expérience réelle, dans des jeux de rôle, des activités. C’est la complémentarité des stratégies, des outils et situations que nous avons imaginés qui participent à donner du sens aux apprentissages. Quand j’arrive dans cette classe, je suis accueillie un peu comme le père noël mais les enfants savent bien qu’on travaille autour des sons et des images et avec plein d’outils différents. Ils sont très volontaires, font de nombreux efforts pour améliorer leur production, s’écoutent avec attention, s’étonnent de ne pas reconnaître untel… interagissent avec les copains, le TBI, l’ordi… C’est une expérience très enrichissante. Elle met en avant une approche humaine et bienveillante des premiers apprentissages à l’école maternelle portée par Isabelle Bonnet et son ATSEM Cathy. Ici les enfants s’épanouissent et apprennent avec plaisir, beaucoup de plaisir à une époque où on peut regretter certaines dérives « d’élémentarisation » de l’école maternelle. »
Les parents ont-ils fait écho auprès de vous de remarques à ce sujet ?
« Quel travail formidable ! Je suis très admirative ! » voilà pour la première impression que j’ai récoltée... mais j'aurai plus à dire à Orléans, la projection pour les familles aura lieu jeudi prochain !
Comment penses-tu continuer cette aventure, quel champs de possibles t'ouvre-t-elle ?
« J'aimerais que le numérique dans les écoles se concrétise davantage par de réels projets, avoir suffisamment de temps pour accompagner les collègues volontaires et créer des espaces ouverts qui leur permettent d'être autonome sans que cela ne soit trop chronophage. L'idéal serait de créer des environnements numériques paramétrables à souhait où chacun puisse déposer sans trop de manipulations des données issues de la vie de la classe. Une petite formation pour comprendre comment insérer les données, éventuellement un petit coup de pouce et puis, les apports feraient leur chemin et prendraient une place toute naturelle à l'école avec la possibilité d'utiliser ces ressources dans la sphère familiale. Donc dans l'immédiat, je lancerai bien une invitation aux collègues à expérimenter la possibilité de créer des ressources personnalisées grâce à la proposition de Floc production multimédia. Mettre en évidence qu'il est important de partir du vécu des enfants voire de leur donner la possibilité de créer eux mêmes les données, c'est ce que j'ai fait avec les écoliers de Valprivas et le résultat est saisissant. Le numérique peut être un formidable vecteur pour donner du sens aux apprentissages tout en accompagnant la construction des compétences numériques et la réflexivité nécessaire sur les usages. Rendre possible et facile le numérique, je crois que c'est ce qui motivera la suite de mon aventure. »
Enfin, pourquoi venir à Orléans ?
« La participation au forum des enseignants innovants est une opportunité pour aller à la rencontre d'autres personnes porteuses de projets et d'histoires différentes. Une manière de se nourrir et de s'enrichir des expériences des autres, de faire évoluer ses pratiques et ses partis pris pédagogiques, d'avoir du temps pour en parler et pourquoi pas construire des projets communs. En bref, un grand rendez-vous ! »
Le projet de Céline décrit sur son site :
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